Après Il Campiello, de Goldoni, et Bar, de Spiro Scimone, le Théâtre de l'Opsis poursuit son cycle italien avec un drame d'Emanuelle delle Piane, inspiré d'un fait divers: Les enfants de la pleine lune.

C'était en avril 2008. Les médias du monde entier rapportaient l'histoire de Josef Fritzl, l'Autrichien qui a séquestré sa fille pendant 24 ans dans sa cave, en plus de lui faire sept enfants.

Cette fille, Elisabeth, avait été mise sous les verrous à l'âge de 12 ans, sans que sa mère se rende compte de quoi que ce soit. Sur le coup, Fritzl avait fait croire à une fugue de la fillette, qui a élevé ses sept enfants dans le réduit. La cache a été découverte après qu'un des enfants, malade, eut été transporté à l'hôpital.

L'auteure italienne Emanuelle delle Piane a écrit en français Les enfants de la pleine lune, en 2009, dans la foulée du procès de Fritzl. La pièce devait être créée à la Comédie-Française, mais l'institution a fait volte-face et c'est finalement à Montréal qu'elle sera présentée en première mondiale.

Donner la parole aux enfants

Selon la directrice artistique de l'Opsis, Luce Pelletier, qui signe la mise en scène, l'auteure a voulu donner la parole aux enfants, éclipsés par l'horreur de l'acte commis par le père. Delle Piane a créé deux personnages, des jumeaux de 14 ans. «On ne va pas dans l'hyperréalisme, explique-t-elle. Il n'y a rien de glauque dans la pièce. Au début, les enfants sont même heureux, ils n'ont aucune conscience qu'il y a un ailleurs.»

Seule la mère a connu la liberté. L'auteure la rend résiliente. «Cette femme s'occupe de ses enfants comme n'importe quelle mère le ferait, dit la metteure en scène. Elle leur raconte des histoires, elle organise leurs journées. C'est l'adolescence qui fait en sorte que ces enfants veulent sortir.»

Dans l'histoire d'Emanuelle delle Piane, le père est convaincu qu'il protège sa famille. Il fait croire à ses enfants qu'à l'extérieur, c'est la guerre. C'est lui qui décide à quel moment il éteint la lumière. Il contrôle tout, jusque dans les moindres détails. À mesure que les enfants grandissent, il retire des objets qu'ils pourraient utiliser comme arme pour s'en prendre à lui et s'évader.

Ce père, que les Autrichiens ont baptisé «le monstre», sera interprété par Jacques L'Heureux, qui n'a pas hésité à accepter le rôle, même s'il s'agit d'un sombre personnage: «Il n'y a pas plus vil, dit l'acteur. Un père pédophile et incestueux, qui enferme ses enfants dans une cave, c'est une tragédie totale!»

Sans chercher à expliquer les agissements de cet homme, Jacques L'Heureux a dû trouver le moyen de composer ce rôle difficile. «Il a toujours dit qu'il avait fait ça par amour. Bon, c'est un amour fucké! C'est un psychopathe! Mais j'ai dû trouver un juste milieu entre le fou furieux qu'il était et le père malgré tout attentif aux besoins de sa famille.»

Au Théâtre Prospero du 25 octobre au 19 novembre.