L'amphithéâtre «naturel» de Wendake était tout indiqué pour jouer Shakespeare. Son plateau circulaire autour duquel les spectateurs sont disposés en demi-cercle évoque les théâtres élisabéthains. En toile de fond, des arbres et la rumeur de la rivière toute proche. L'endroit est décidément bien choisi pour présenter La tempête, qui se déroule dans une île perdue.

Ce lieu théâtral inusité, Robert Lepage et ses collaborateurs l'exploitent de manière fort judicieuse, et ce, dès la superbe scène d'ouverture, qui relate un naufrage. Durant tout le spectacle, les éclairages (fabuleux), les effets visuels et tous les artifices de la scénographie nous séduisent. Or, sur le plateau, ça ne va pas du tout...

La tempête souffre en effet d'un grand mal: une distribution incroyablement inégale où les acteurs capables de jouer Shakespeare en côtoient d'autres qui n'en sont pas et qui n'arrivent pas à le faire oublier. L'écart entre les uns et les autres est si grand qu'on ne comprend pas qu'un metteur en scène de l'envergure de Robert Lepage ait pu endosser de si flagrantes erreurs de distribution.

Les deux plus faibles (Francis Roberge et Steve Gros-Louis, interprètes de Ferdinand et Alphonse) débitent leurs textes comme si les mots étaient des choses vides: sans conviction, sans intention et sans émotion. L'un et l'autre plombent invariablement les scènes auxquelles ils participent. Le décalage n'est pas aussi marqué chez Jean-François Faber (formé aux arts du cirque), mais il n'est pas non plus très habile avec son texte.

Jean Guy, dans le rôle de Prospero, n'est pas toujours convaincant lui non plus. Il a du métier, bien sûr, mais a connu une première difficile et offert ses répliques d'un rythme saccadé et sans souplesse aucune. Dans l'une des premières scènes, sa partenaire de jeu (Chantal Dupuis, charmante en Miranda) a même dû lui souffler son texte...

Les deux autres tiers de la distribution, eux, tentent de sauver la mise. En particulier Kathia Rock (pétillante Ariel, qui vole littéralement dans les airs), Marco Poulin (convaincant en Caliban) et Frédéric Bouffard, qui semble prendre un réel plaisir à jouer le malicieux Antonio. Nicolas Létourneau (Stephano) et Normand Bissonnette (Gonsalve) sont aussi très justes.

Autre signe que la direction d'acteurs est chancelante, c'est le fouillis sur le plan des niveaux de langue. Robert Lepage a opté pour une traduction en québécois, signée Michel Garneau. Bizarrement, certains comédiens s'expriment néanmoins dans une langue soutenue comme au théâtre classique, alors que d'autres jouent de manière relâchée et en québécois, sans qu'aucune logique ne soit perceptible. Caliban, à qui Prospero a appris à parler, peut-il vraiment s'exprimer de manière plus élégante que son maître?

Ainsi, d'une scène à l'autre, les défauts de l'interprétation ne cessent de distraire du propos de Robert Lepage, qui souhaitait faire de cette version de La tempête un point de rencontre entre les cultures amérindienne et québécoise. Une manière de réconciliation, en fait, puisque Prospero (le «colonisateur») finit par demander pardon au «colonisé», Caliban.

Quand, vers la fin, une structure évoquant la voilure d'un fier navire s'effondre, on ne peut s'empêcher de penser que ce pépin technique résume tout le spectacle. Quand ça ne va pas...

Jusqu'au 30 juillet, à l'amphithéâtre de Wendake.