L'idée de transposer sur scène l'univers d'une bande dessinée leur trotte dans la tête depuis des années. Précisément depuis la fin de leurs études en jeu à l'UQAM où ils se sont connus au milieu des années 2000. Xavier Malo et Marie-Hélène Gosselin ont depuis trouvé bédé à leur pied, créant un étonnant théâtre visuel.

Valises, actuellement à l'affiche aux Écuries, est la troisième mouture de cet ambitieux projet qui s'est étiré sur un peu plus de trois ans. Pour peaufiner leur concept, Xavier Malo et Marie-Hélène Gosselin ont fait appel à un de leurs anciens profs, Robert Drouin, qui signe la mise en scène de cet étrange récit.

Mais avant de mettre le projet sur les rails, il a bien fallu trouver une bédé qui corresponde à leurs critères artistiques. «Nous cherchions un univers atypique, pas trop ancré dans le réel, détaille Xavier Malo. Quelque chose de fantastique, avec des corps qui vivent des choses extraordinaires. On n'aurait pas pu travailler avec un personnage comme Paul, par exemple.»

C'est en discutant de leur projet avec l'ami d'un ami que les fondateurs de Blitz D'axes ont fait la rencontre de Dominique Morin. Plus d'un an après cette rencontre, le jeune bédéiste leur a proposé d'adapter son nouveau-né, Valises. «Je ne crois pas qu'il l'a créée spécialement pour nous, mais il avait certainement en tête notre projet théâtral», croit Marie-Hélène Gosselin.

Objet de tourment et de désir

C'est donc à partir de cette matière bédé que le duo de Blitz a concocté ce spectacle sans paroles qu'est devenu Valises, et qui a pour thème l'accumulation obsessionnelle de biens. D'une manière évidemment critique. Dans les trois courtes histoires qui se chevauchent, on trouve sur scène une valise, objet de tourment et de désir, symbole d'une quête finalement assez absurde.

Qu'il s'agisse d'une scaphandrière à la recherche d'huîtres à perles dans un décor apocalyptique, ou d'une course de créatures avec des têtes en forme de trou de serrure à la recherche d'une clé, toutes ces quêtes finiront plutôt mal pour les protagonistes. Seul le troisième personnage, un libraire qui accumule des livres, connaîtra une fin moins tragique. À la limite porteur d'espoir.

«Le libraire est dans une quête de savoir, dans une tour dans les nuages. Mais paradoxalement, il se coupe du monde alors qu'il l'étudie, précise Xavier Malo. Dans sa valise, il trouve un livre, dans lequel se trouve une énigme qui dit: «Je te livrerai toute la connaissance à moins que tu ne craignes le vide.» Il devra décoder l'énigme et faire un choix.»

Des cases sur scène

Le dispositif scénique est impressionnant. Neuf cases coulissantes ont été placées sur la scène, à l'intérieur desquelles les deux comédiens se déplacent. Il y a des projections devant les cases et d'autres derrière, qui détaillent notamment le décor. Ce qui fait que les personnages sont pris en sandwich entre les deux. «Ç'a été un énorme de défi de production», indiquent les créateurs, qui ont reçu en 2009 une bourse du Cirque du Soleil dans le cadre du festival Vue sur la relève.

Dans la première version du spectacle, en 2008, la bédé a été transposée exactement comme dans le livre de Morin, en respectant les ellipses et les plans de caméra, une action à la fois. Mais Xavier Malo et Marie-Hélène Gosselin ont vite réalisé que la forme théâtrale nécessitait certains ajustements.

«Dans la deuxième version, on a travaillé sur le rythme de la pièce. Et cette fois, on a fait appel à Robert Drouin pour approfondir les personnages et allonger le spectacle. On avait besoin d'humaniser le récit pour donner vie aux personnages, au-delà de leurs obsessions», nous dit encore Xavier Malo.

La bande-son a toute son importance étant donné qu'il s'agit d'un spectacle sans paroles, narré visuellement. C'est Thierry Gauthier, électro-acousticien, qui signe la conception sonore. Sur scène, la flûtiste Elsa Vadnais ponctue les actions, reproduit les onomatopées et autres bruitages qui font partie de l'expérience immersive.

«Nous nous sommes vraiment donné comme mandat de faire un théâtre physique, un théâtre d'images, indique Marie-Hélène Gosselin. On est dans une relation d'illusion, où on ne voit pas les rouages derrière. C'est ce que nous voulions faire. Notre but était d'avoir le même projet que le bédéiste. Tout en l'adaptant.»

Valises, jusqu'au 18 juin au Théâtre aux Écuries.