Ce n'est peut-être pas du théâtre, mais c'est une bonne histoire, se dit-on en sortant de Bonanza.

Essentiellement constituée de témoignages captés par le collectif belge Berlin, l'oeuvre fait le portrait de l'une des plus petites villes des États-Unis. Bonanza n'abrite en effet que sept habitants à temps plein, répartis dans cinq maisons. Un paisible refuge? Hum! c'est un peu plus compliqué que cela.

Il y a des décennies, des milliers de personnes vivaient dans cette ville minière du Colorado, située à quatre heures de route au sud-ouest de Denver. De l'or se trouve toujours dans son sol, mais il est impossible à récupérer, explique Ed, un homme âgé qui vit là depuis des années avec sa femme, Gail. Bonanza est pratiquement devenu une ville fantôme depuis que sa mine n'est plus exploitée.

Le collectif Berlin raconte l'histoire des habitants qui restent à l'aide d'images diffusées simultanément sur cinq écrans. Plutôt que de proposer une suite séquentielle, les créateurs déploient le film en multipliant les parallèles et les juxtapositions. Pendant qu'ils laissent vivre un personnage -le pasteur qui lit ou le vieux Ed qui attend qu'on lui apporte une scie-, d'autres prennent la parole et se dévoilent peu à peu.

Bonanza, on le constate vite, est peuplé de drôles d'oiseaux. Darva et Shikiah, par exemple, des femmes sans doute à l'orée de la soixantaine qui prétendent voir des elfes et sentir l'énergie de la terre. Le plus fascinant, c'est toutefois d'entrer dans l'intimité de ce voisinage et de découvrir l'atmosphère lourde qui y règne. Même si chacun chérit sa solitude, ces gens vivent dans une grande promiscuité: la ville est minuscule (une maquette se charge de le rappeler) et chacun sait toujours ce que font les six autres habitants, comme le souligne Gail.

Ainsi, ce paradis naturel situé dans un vaste espace sur lequel on imagine le vent souffler, est un endroit étouffant. Médisance, méfiance,  guerres de clan, politicailleries, Bonanza s'avère un fascinant microcosme de la société. Ce n'est probablement pas du théâtre, mais c'est une très bonne histoire, avec de bonnes gens et des vilains, que le collectif Berlin raconte avec un doigté qui n'a rien à envier à l'art dramatique.

Bonanza est à l'affiche samedi et dimanche au Studio Hydro-Québec du Monument National. En anglais avec surtitres français.