Tout le mois de juillet, l'amphithéâtre extérieur du village de Wendake sera transformé en île fantastique par les magiciens d'Ex Machina. Une prestation qui s'annonce à la fois spectaculaire et intime, et qui sera marquée du sceau de la rencontre.

À Wendake, Robert Lepage est considéré comme un voisin et un ami, souligne le grand chef de la nation huronne-wendat, Konrad Sioui. Le créateur a hérité de la maison d'une tante aux abords de la rivière et s'est toujours senti attiré par la culture amérindienne. On l'a vu entre autres dans Totem, avec le Cirque du Soleil, et dans le spectacle de canotgraphie qu'il a présenté au château d'eau à l'été 2009.

L'intérêt de Robert Lepage pour Shakespeare, lui non plus, ne date pas d'hier. Le metteur en scène montera La tempête pour la troisième fois. «Les pièces de répertoire, il faut trouver des prétextes pour les monter plusieurs fois. Ce ne sont pas des tableaux, mais des diamants, des sculptures avec plusieurs facettes que l'on découvre d'une fois à l'autre», indique-t-il.

La mise en scène à Wendake sera bien différente de la version 3D avec hologrammes qu'il présentait au Trident il y a 12 ans. «C'est moins une aventure formelle, explique Lepage. Je m'attarde davantage au propos, à l'histoire de cet Européen qui vient se réfugier dans une île (d'ailleurs, Wendake veut dire «île»), en devient maître et en vole la culture pour pouvoir se venger. De nos jours, on est un peu mal à l'aise avec ce concept de colonisation. On va aborder ça en redonnant de l'importance aux Amérindiens, mais sans faire une pièce trop politically correct

Shakespeare écrit La tempête en 1608, l'année de la fondation de Québec. «Il savait qu'il allait mourir, qu'il était trop vieux et qu'il ne le verrait jamais, ce nouveau monde», raconte Lepage, pour qui l'amphithéâtre du village huron-wendat évoque un théâtre élisabéthain. Le créateur s'est également inspiré d'une toile de Joseph Légaré qui montre le grand acteur anglais Edmund Kean en train de jouer du Shakespeare à Wendake dans les années 1800... On comprend qu'il y a plus de liens qu'il n'y paraît entre les deux univers qui ont inspiré le spectacle.

Chaque rôle aura une touche magique, apportée par les talents particuliers des interprètes. «Jean Guy (qui fera Prospero) a fait de la magie et du cabaret longtemps», souligne Robert Lepage. Ariel, l'envoûtante déesse du vent qui charme avec sa voix, sera interprétée par la chanteuse innue Kathia Rock, alors que les rôles de bouffons, qui exigent un jeu physique, seront campés par des acrobates.

Dans l'amphithéâtre extérieur, l'arsenal technique devra être léger. Il y aura tout de même des projections sur le mur incliné qui sépare les deux plateaux de jeu.

Nouvelle création

Ces jours-ci à la Caserne Dalhousie, en parallèle de La tempête, Robert Lepage pose les premières pierres d'une autre création, prévue pour 2012. Un brouillard de mystère entoure bien sûr cette production naissante, mais Le Soleil a appris qu'il y sera question du jeu de cartes et du chiffre 12.

«Depuis quelques jours, nous travaillons sur le premier volet de quatre spectacles produits sur le thème des cartes, indique M. Lepage. Donc l'année prochaine, quelque part au printemps, il y aura une première mondiale et on pourra en parler de long en large», ajoute-t-il, tout sourire.

Cette première n'aura pas lieu à Québec, mais le créateur assure que le spectacle devrait être présenté dans la capitale peu de temps après. Au Carrefour? Au Trident à l'automne? Les paris sont ouverts...

M. Lepage dit s'intéresser au jeu de cartes «parce que, sous son aspect banal, il contient toute l'histoire du monde. Les Arabes ont inventé les cartes, puis les Européens en ont fait autre chose, puis les Américains, encore autre chose.» Cette traversée des cultures et des époques, à la fois différentes et liées entre elles, fait depuis longtemps partie des thèmes de prédilection du créateur.