En découdre, la nouvelle création du dramaturge Luc Tartar et du metteur en scène Éric Jean, se présente comme le «combat épique» de la différence contre les idées reçues et une tentative de démythification de la schizophrénie. La lutte s'incarne par le basculement momentané d'une jeune femme, interprétée par Catherine Audet, qui vient d'apprendre qu'elle souffre de cette maladie. Une fois étiquetée, elle plonge en elle-même à la recherche d'une forme de médiation entre sa vie intérieure et le monde extérieur.

L'écriture scénique supplante l'écriture tout court dans le travail d'Éric Jean et En découdre en fait une fois de plus la preuve. Du texte économe et fragmentaire de Luc Tartar, il a fait un spectacle immersif, qui appelle davantage les sens que l'intellect. Il y a bien sûr des phrases qui résonnent fort, mais la trame de la pièce est d'abord développée par le mouvement des corps dans l'espace et l'excellente bande-son signée Vincent Letellier.

La jeune femme attend assise sur un banc dans ce qui semble être un vaste et sombre hall lorsque le spectacle commence. Son calme apparent est trahi par la manie qu'elle a de se ronger les ongles. Ce n'est que le premier signe du décalage qu'il y a entre ce qu'elle projette et ce qu'elle ressent. Sitôt qu'elle reçoit son diagnostic, la musique ouvre les portes de la perception et le spectateur se trouve aspiré dans son tumulte émotif. L'essentiel du spectacle se déroule ainsi dans la tête du personnage.

Le pouvoir d'évocation de la mise en scène ne fait pas de doute. Éric Jean et ses collaborateurs (Pierre-Étienne Locas à la scénographie, Martin Sirois aux éclairages et Vincent Letellier, bien sûr) jouent habilement avec les atmosphères, traçant des lignes floues, mais perceptibles, entre ce qui est perçu et vécu. Des regards posés par l'entourage de la fille, par son père (Stéphane Jacques), sa mère (Frédérike Bédard) et un jeune homme qu'on croit d'abord être son frère (Matthieu Girard), participent d'ailleurs à la délimitation de ces contours.

L'intégration de séquences chorégraphiées (interprétées notamment par Simon-Xavier Lefebvre et Aude Rioland) s'avère éloquente dans cet univers qui mise beaucoup sur l'esthétique. La répétition de certains motifs, textuels et autres, tombe aussi sous le sens pour évoquer ce moment de déséquilibre et le caractère obsédant des pensées qui assaillent la jeune femme. Or, bien que En découdre revendique autant qu'il affiche son caractère impressionniste, son propos se révèle finalement fort mince. Les images, même ciselées, ne valent pas toutes mille mots.

En découdre, jusqu'au 19 mai au Quat'Sous.