Le Quat'Sous conclut sa saison avec un autre texte poétique du Français Luc Tartar. Une commande d'Éric Jean qui voulait aborder le thème de la schizophrénie, mais sans s'embourber dans un récit narratif, avec des lieux et des personnages à peine tracés. Résultat: un spectacle de poésie autant que de théâtre et de danse, qui nous place dans la tête d'une jeune fille anonyme, effacée par sa maladie.

Luc Tartar et Éric Jean se sont connus en 2009. C'est Sébastien Harrisson (du Théâtre Bluff) qui avait mis la main sur le texte de Luc Tartar, S'embrasent. Un texte poétique d'une quinzaine de pages, écrit d'un seul souffle, sans dialogues, ni lieux définis. Éric Jean l'a monté en 2009 avec Béatrice Picard dans le rôle d'une vieille femme témoin d'un baiser entre deux jeunes gens. Une pièce reprise par la Maison Théâtre quelques mois plus tard.

«J'avais beaucoup aimé la forme de S'embrasent, nous dit Éric Jean. J'aime le théâtre qui me laisse une part de travail. J'ai besoin des mots, mais de ce qu'il y a entre les mots aussi. Des silences et des ambiances. Je voulais travailler avec Luc de nouveau. Alors, je l'ai contacté et je lui ai demandé de m'écrire un court texte sur le thème de la schizophrénie, mais dans le même style épuré que S'embrasent. Il y a eu des ateliers de recherche, et bien sûr, des ajustements, mais j'ai eu le matériau dont j'avais besoin.»

Le directeur artistique du Quat'Sous admet nourrir un intérêt pour les maladies mentales. On se souvient d'ailleurs de la pièce d'Anne-Marie Olivier, Quand mon corps deviendra froid (jouée au Quat'Sous l'an dernier), qui mettait notamment en scène un père souffrant de bipolarité. «La réalité des gens qui souffrent de maladies mentales a quelque chose d'insaisissable, dit-il. Au théâtre, ça peut être très intéressant. Ça me permet de jouer avec les notions de ce qui est vrai et de ce qui relève de la fiction.»

En découdre met en scène quatre comédiens et deux danseurs. Éric Jean n'a pu y échapper complètement, il a dû créer des archétypes de personnages autour de cette jeune fille atteinte de schizophrénie, qui sera interprétée par Catherine Audet. On y retrouvera donc son père (Stéphane Jacques), sa mère (Frédérike Bédard) et un témoin (Matthieu Girard), «probablement atteint d'autisme», qui participera à la recherche d'identité de la fille sans nom.

«La pièce commence par le diagnostic que reçoit la jeune fille, détaille le metteur en scène de Chambre (s) et de Opium_37. Dès le moment où elle apprend qu'elle est schizophrène, elle perd son identité, elle devient une étiquette. Elle monte sur un édifice. Et les gens autour d'elle cherchent à retrouver son nom. C'est un appel à la compassion face à la différence.»

Malgré l'absence de récit, Éric Jean ne croit pas qu'il s'agit d'une pièce contemplative. «Nous sommes dans l'action et la volonté de comprendre. Bien sûr, c'est un spectacle impressionniste, avec de la musique, du chant et de la danse, mais les mots de Luc sont très beaux et très évocateurs. Je crois avoir réussi à donner une forme théâtrale au texte». On devine le sujet grave. Il n'y a rien de drôle dans cette pièce acquiesce-t-il. «Les spectateurs doivent être attentifs pour ne rien rater.»

Pendant toute la durée de la pièce, on peut dire qu'on se trouve dans la tête de la jeune fille atteinte de schizophrénie. D'où les bruits d'eau et les autres effets sonores de Vincent Letellier, qui a également composé une partie de la musique. «C'est un dialogue entre le conscient et l'inconscient de la jeune fille, explique encore Éric Jean. Le décor représente une boîte noire, façon de nous plonger dans sa tête, car nous présentons toujours son point de vue. Avec des reflets lumineux qui traduisent une certaine profondeur.»

En découdre, au Quat'Sous du 18 avril au 19 mai.