Wajdi Mouawad a écrit Temps sur le vif. Il s'est nourri des improvisations des huit acteurs de sa distribution pour échafauder un récit campé dans la ville minière de Fermont où deux frères (interprétés par Gérald Gagnon et Valery Pankov) et une soeur (Marie-Josée Bastien) se retrouvent pour évaluer le legs de leur père (Jean-Jacqui Boutet, peu convaincant), un poète presque confiné à un fauteuil roulant qui semble perdre la tête.

En parler sans en dire trop n'est point aisé, parce que dans le froid et les silences, un drame couve. Ou plutôt une tragédie, genre de prédilection de Wajdi Mouawad. La ville minière se trouve en état de siège avec ces hordes de rats qui la traversent matin et soir, un fléau hautement symbolique auquel la mairesse (Isabelle Roy, excellente) doit faire face tout en subissant des pressions de la compagnie minière.

Le décor a changé - la scénographie évoque les grands espaces fouettés par des vents glacés -, mais tous les thèmes de prédilection du dramaturge et metteur en scène se retrouvent dans cette pièce: l'enfance brisée, la mère sacrifiée, l'identité à rapiécer, les silences à percer et la violence à stopper. Comme si, même en se mettant en danger, le dramaturge n'avait pu éviter de tomber dans ses propres réflexes, voire ses propres clichés, reliés les uns aux autres par une trame narrative peu convaincante à force d'être cousue de fil (barbelé) blanc. La propension à poétiser les pulsions atténue également la charge émotive de l'oeuvre.

Temps possède un ton plus posé et moins verbeux que bien d'autres pièces de Wajdi Mouawad et, en cela, ce spectacle ouvre peut-être un nouveau chapitre de son travail. Son caractère épuré ne laisse toutefois pas entrevoir un grand renouveau au plan du discours. Le dramaturge verse aussi dans le manichéisme et réduit notamment la compagnie minière à un symbole du néolibéralisme sauvage mondialisé.

Il reste de fort belles images et quelques idées fortes comme ces frères et soeurs qui ne parlent pas le même langage et cette mairesse-archère qui fait le lien entre l'Antiquité et l'époque contemporaine. Simplement, elles sont au service d'une pièce qui lasse plus qu'elle ne marque.