Shirley Valentine est une femme ordinaire. Presque 50 ans, deux grands enfants et un mari à qui elle s'apprête à faire à souper au moment où la pièce commence. Avant de mettre la main à la pâte, elle s'offre un petit verre de vin. Rapidement, sa langue se délie: elle parle de ce qu'est devenue sa vie, de sa solitude et du sentiment qu'elle a de s'être perdue entre ses rôles d'épouse et de mère.

Ses confessions pourraient être pleines de rancune. Elles ne le sont pas. Shirley Valentine, femme mûre passée maître dans l'art de gérer son isolement - elle s'adresse à l'un des murs de sa cuisine -, possède encore beaucoup de vivacité. Son sens de l'autodérision lui évite de ruminer ses frustrations et de ressembler aux Albertine et Marie-Lou de Michel Tremblay.

Environ 25 ans après sa création, la pièce de Willy Russell a vieilli. La génération de femmes dont parlait le dramaturge a aujourd'hui plus de 75 ans. Or, une femme qui a presque 50 ans en 2011 a vécu dans un monde radicalement différent: révolution sexuelle, révolution féministe, retour sur le marché du travail, etc. L'ancrage réaliste de la pièce, truffée d'anecdotes du quotidien, en souffre un peu.

Ainsi, le récit de l'émancipation de cette femme vintage, qui part en voyage à la recherche d'elle-même et, peut-être, de son plaisir, ne bouscule pas grand-chose. Peut-être qu'en coupant les éléments qui paraissent dépassés dans le Québec des années 2000, la trajectoire intime du personnage aurait été mieux mise en valeur. Et le spectacle aurait paru moins long.

L'intérêt de cette pièce, c'est l'envie pas du tout nostalgique qu'a Shirley Valentine de renouer avec la femme qu'elle est au fond d'elle-même et qu'elle entrevoit parfois dans le regard que les autres posent sur elle. Shirley veut renouer avec ses rêves et ses aspirations, elle veut accéder au bonheur parce que, à 49 ans, il en est encore temps.

Même si l'ensemble est sans grande surprise, Pierrette Robitaille défend très bien cette Shirley Valentine à qui elle prête son sens du comique et son humanité. Elle cherche - et trouve - la connivence avec le public, sans que son jeu ne soit trop appuyé. Ce qui n'évite pas complètement au spectacle mis en scène par Jacques Girard d'avoir des airs de long sketch. Le refus du misérabilisme contribue à rendre cette quête de liberté sympathique.

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Jusqu'au 14 mai chez Duceppe.