«Je ne suis plus capable de jouer à l'Indien», songe l'un des personnages de Wulustek. David Miktouch (Charles Bender) a tant de peine à se faire cet aveu qu'il n'ose pas le proférer à voix haute. Il est pourtant emblématique du malaise identitaire de toute sa famille et même du sentiment de dérive identitaire des autochtones en général, suggère la pièce du dramaturge Dave Jenniss, présentement à l'affiche au Théâtre Prospero dans une mise en scène de Peter Batakliev.

Désarroi

Le désarroi de la famille Miktouch ne met pas beaucoup de temps à se manifester. La réunion de famille, qui a lieu chaque année à l'orée du territoire revendiqué et maintenant interdit d'accès, est censée être le moment de manifester leur fierté, mais elle prend vite des airs de mascarade. Marc (Dave Jenniss) et son frère David ne s'entendent pas sur la signification du drapeau Malamek. La cérémonie présidée par leur mère (Catherine Joncas) ne convainc et, surtout, n'intéresse personne.

L'un des mérites du texte de Dave Jenniss tient précisément à cette volonté qu'il a d'aller au-delà des apparences. Il tourne le dos aux clichés, n'évite pas les tabous et dresse un portrait sans complaisance d'une famille dysfonctionnelle (ne le sont-elles pas toutes?), mais aussi des jeux de pouvoir qui se jouent entre nations autochtones, compagnies forestières, pouvoir politique et opinion publique. Des relations complexes et déchirantes qui vont de l'hypocrisie à l'indifférence.

Le fond est intéressant, mais la manière n'est pas à la hauteur. Il y a d'abord les imperfections du texte - il s'agit d'une première oeuvre - mais surtout un sérieux manque au plan de la direction d'acteurs. Charles Bender parvient à donner de l'épaisseur à son personnage, mais le reste de la distribution frise soit la caricature, soit l'amateurisme. Peter Batakliev n'a pas non plus trouvé d'équilibre entre la part d'humour (voire d'autodérision) et le caractère dramatique de cette histoire de dépossession.

Les failles de la mise en scène (dont cet usage inconsistant des ralentis «cinématographiques») révèlent ainsi celles du texte, plutôt que de contribuer à les colmater. Wulustek se révèle ainsi moins convaincant que la réflexion importante que la pièce porte et que l'auteur à l'intelligence et bonne idée de tendre comme un miroir non seulement aux autochtones, mais aussi à tous les Québécois.

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Jusqu'au 16 avril chez Prospero.