On ne peut accuser le Théâtre de l'Utopie d'avoir manqué d'imagination. L'adaptation du célèbre conte de Hans Christian Andersen, que le petit théâtre L'Illusion a déjà monté pour les 5 à 7 ans avec des personnages en bobines de fil, a ici des airs de bédé pour adultes où règnent la corruption et la fourberie.

Il ne pouvait en être autrement. L'histoire est tellement invraisemblable, bien que riche en symboles, qu'il est pratiquement impossible de la jouer sur un mode réaliste.

Deux escrocs sans le sou s'infiltrent dans une cité où règne un empereur apparemment très coquet. Les deux malfrats se font passer pour des tailleurs et promettent aux conseillers de l'empereur de lui confectionner le plus bel habit du monde.

Évidemment, tout ça n'est que supercherie et l'habit est... invisible. Mais personne, dans l'entourage de l'empereur, n'osera dire quoi que ce soit, de peur de passer pour sot. Ce qui fait qu'à la fin, le roi paradera nu devant ses sujets. Seul un jeune garçon lancera: le roi est nu!

Dans l'adaptation de Cristina Iovita, l'action se déroule dans l'empire du Jamais vu. Et les deux représentants de l'empereur - le premier ministre et le ministre des Tendances culturelles - se font les gardiens du bon goût et des bonnes idées. Étouffant le gros bon sens du ministre des Finances, un dénommé Pantalon (très bon Érick Tremblay).

Il y a dans la cour beaucoup de va-et-vient. Ici, un musicien «nouveau genre» qui prétend réinventer la musique en jouant avec des casseroles; là, l'inventeur d'un ballon carré, qui ne roule ni ne bondit... des projets qui seront retenus par la cour au nom de leur originalité, contrairement à d'autres projets, jugés plus «banals», comme cette simple sculpture de madone.

Ce long préambule, qui met en scène des artistes malhonnêtes (ou naïfs à l'excès), mènera au fameux «coup» du costume. On comprend la metteure en scène d'avoir voulu montrer le côté frimeur des personnages de cette cour, mais on se perd en circonvolutions; et les voix criardes des comédiens cabotins finissent par nous étourdir.

Pourtant, lorsque enfin nous rentrons dans le coeur du conte avec les faux tailleurs qui embobinent certains membres de la cour, bref lorsque l'équipe se recentre sur le conte d'Andersen, on regagne d'intérêt pour cette relecture baroque du conte, qui fait bien ressortir l'hypocrisie des uns, la ruse des autres.

La mise en scène de Cristina Iovita est chargée. Plusieurs bonnes idées se distinguent, mais l'ensemble de l'oeuvre est alourdi par les nombreux détours des personnages bédéesques, qui ne savent plus où donner de la tête et qui arpentent fébrilement la scène pendant plus de deux heures et demie, dans la cacophonie et le désordre.

Le costume neuf de l'empereur, à la salle Fred-Barry jusqu'au 9 avril.