Après avoir entendu la voix de Jocaste, mère d'OEdipe (avec Julie Vincent), et celle d'Hermione dans Andromaque (avec Anne Dorval), voici que Violette Chauveau prête ses traits et sa voix au personnage de Médée, fine stratège à qui l'on attribue des pouvoirs magiques, qui se venge contre son mari infidèle.

C'est la grande force des mythes grecs: aborder des questions philosophiques pour expliquer des phénomènes humains. L'espoir d'un amour éternel, la trahison, la quête de pouvoir, l'abandon et la vengeance sont les thèmes récurrents de cette tragédie grecque revisitée par Caroline Binet.

Le cas de Médée n'est pas banal. Elle aide son amoureux Jason, à la tête des Argonautes (non, pas l'équipe de football), à conquérir la Toison d'or (un bélier ailé en or). Pour ce faire (et pour faire court), elle tue son frère, trahira son père, quittera sa terre natale et se dévouera tout entière pour son homme.

Réfugiés en Corinthe à la suite de moult poursuites et combats que je vous épargne, Jason tombe amoureux de la fille du roi de cette cité, le roi Créon (accessoirement frère de Jocaste) et abandonne Médée avec leurs deux garçons. Qui finit par être chassée de Corinthe. C'est là que la colère de Médée se met à gronder. Il aurait pourtant dû se méfier, le pauvre Jason, voyant de quoi elle était capable et jusqu'où elle était prête à aller...

La mise en scène de Caroline Binet parvient à contenir les éléments centraux de ce récit touffu, qui se poursuit bien au-delà de l'histoire contée par Euripide. Avec des tableaux d'une grande beauté et des éclairages qui créent des ambiances éthérées. Le choeur amplifie la peine de Médée, même s'il y a bien peu d'harmonie qui s'y dégage... N'aurait-on pu chanter ces passages?

Elle parvient également à créer une tension pendant toute la durée de la pièce, qui culminera jusqu'à l'infanticide de Médée, qui tue ses deux garçons dans un geste ultime de vengeance. Ceci, bien sûr, après avoir empoisonné la nouvelle flamme de Jason, qui entraîne dans la mort son père Créon venu à son secours. Médée, ayant assuré ses arrières, s'en va rejoindre le roi Égée en attendant la suite de ses aventures.

Tous les comédiens jouent bien leur partition, à commencer par Violette Chauveau qui nous offre de nombreux moments de grâce, en dépit de ses cris de douleur inutiles, qui nous ont plus fait sourire que frémir. La comédienne fait très bien ressortir la ruse de cette femme, qui refuse de se laisser dominer ou de se faire dicter une quelconque conduite. Féministe donc, mais aussi criminelle.

À la fin, et c'est ce qui donne du poids à cette relecture de Médée, on ressent à la fois la détresse de Médée et de Jason.

Une détresse terrible qui mène à des actes tout aussi terribles. Mayday, mayday, a-t-on envie de lancer (excusez-la), au nom de tous ces personnages prêts à aller jusqu'au bout de leurs sentiments!

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Au Théâtre Denise-Pelletier jusqu'au 7 avril.