L'inénarrable baron de Münchhausen fait escale au Théâtre Denise-Pelletier, le temps de relater quelques-unes de ses incroyables aventures. Le fantasque personnage a une chance inouïe: c'est à Hugo Bélanger, du Théâtre Tout à Trac, qu'a incombé la tâche de planter le cadre de ses fabuleuses histoires. Ce que le metteur en scène fait avec brio. Son Münchhausen, les machineries de l'imaginaire est une odyssée d'une folle inventivité qui dépoussière des trucages du passé tout en sachant parler du présent.

Hugo Bélanger appuie son adaptation sur une histoire méconnue, celle de la famille Galimard, qui a joué sur scène pendant 200 ans les aventures du célèbre baron. La légende veut, selon ce qui est raconté dans le programme, que l'ultime représentation, donnée en 1974, ait été troublée par un homme prétendant être le véritable Münchhausen...

Saisissant la balle au vol, le directeur artistique du Théâtre Tout à Trac a légèrement traficoté cette vérité historique difficile à vérifier. Son spectacle s'ouvre en effet sur l'ultime représentation du spectacle porté de père en fils par la famille Galimard. Son théâtre est devenu dangereusement désuet et la société ne s'intéresse plus qu'à la réalité. Le cadre de scène menace en effet de s'effondrer, le rideau est plein de trous et les vieilles mécaniques défaillent. Tout va de travers, jusqu'à l'arrivée inopinée et grandiloquente d'un drôle de monsieur qui affirme être le vrai de vrai baron de Münchhausen!

Partant de cette idée de théâtre dans le théâtre, Hugo Bélanger a construit une oeuvre inspirée qui, tant dans la forme que sur le fond, parle des pouvoirs extraordinaires de l'imagination. Si, au départ, il s'amuse à exposer les systèmes de cordes, manivelles contrepoids et poulies qui pouvaient servir à faire descendre les chars ailés dans les pièces à machines de Corneille, le metteur en scène et ses collaborateurs déploient ensuite des trésors d'imagination pour faire naître la magie d'artifices parfaitement artisanaux: jeux d'ombres, jeux masqués et accessoires inspirés (une ampoule placée sous une profonde ombrelle pour évoquer une méduse, par exemple).

Ainsi, c'est un pur bonheur que de suivre le baron - ennemi autoproclamé de la réalité - du ventre du Kraken aux profondeurs de la terre, comme de le voir s'échapper de la geôle d'un sultan simplement en «tombant dans la lune».

Sa mégalomanie créative est de plus rehaussée par ces «effets spéciaux» et ces trucages qui se font au vu et au su des spectateurs. L'illusion du cinéma 3D ne sera jamais plus convaincante et plus vraie que le regard d'un spectateur prêt à croire que deux comédiens assis sur une boule de styromousse noire volent en fait sur un boulet de canon...

Mais ce Münchhausen, porté par des comédiens extraordinaires (le jeune Félix Beaulieu-Duchesneau est magnifique dans le rôle-titre) et capables de tout (marionnettes, jeu masqué, etc.) n'est pas qu'une fable drôle et sympathique. Hugo Bélanger a adapté l'histoire avec suffisamment de bagout et de malice pour que son spectacle comporte aussi un deuxième degré qui incite à réfléchir à l'état de notre société: place de la culture, obsession du «vrai», course effrénée au profit et aussi toutes ces choses qui tuent le rêve et la créativité. Comme quoi l'imagination, ce n'est pas que la faculté de rêver, c'est aussi la capacité d'imaginer que le monde pourrait être différent.

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Münchhausen, les machineries de l'imaginaire, jusqu'au 29 janvier au Théâtre Denise-Pelletier.