L'expression «nature morte», dans le domaine des arts visuels, désigne une oeuvre représentant des objets inanimés. Le jeune dramaturge italien Fausto Paravidino la détourne avec une piquante ironie en l'empruntant pour le titre de sa pièce Nature morte dans un fossé, qui se veut justement une peinture sociale dont le point de départ est la découverte d'un cadavre dans un fossé.

Le corps d'une fille, terriblement tuméfié, est découvert par accident. Pressé d'élucider ce meurtre avant le prochain grand bulletin d'information, l'enquêteur (Kevin McCoy) établit vite qu'elle a été battue à mort. La pièce se charge de trouver des réponses aux questions que pose tout bon thriller: qui, quand et surtout pourquoi?

La pièce de Fausto Paravidino surprend d'abord par sa forme. Elle ne repose pas sur des dialogues, mais sur de longs monologues par lesquels les différents protagonistes éclairent chacun un pan de l'histoire. À la limite, ce texte mis en scène par Christian Lapointe entrerait facilement dans la catégorie «théâtre à lire», tant il semble se suffire à lui-même.

Christian Lapointe a adopté une approche distanciée qui sied bien au texte. Les acteurs incarnent tous un personnage, mais il serait plus juste de dire qu'ils jouent un rôle narratif. Ils portent le texte et agissent. L'écriture scénique passe d'ailleurs par les corps des acteurs (les mouvements entre le groupe et l'individu, notamment), éclairés de manière imaginative et soutenus par un minimum d'effets visuels (des diapositives). C'est direct et cru, à l'image du climat de misère et de violence dépeint.

L'enquête patauge vite dans les recoins sombres de la société: petite criminalité, drogue, violence, prostitution. Il est question de traite de femmes, de pauvreté, de sensationnalisme médiatique et du sentiment d'insécurité qui prend vite les gens devant un crime irrésolu. Surtout si la victime a l'air d'une jeune fille «de bonne famille».

Sous cet angle, la pièce de Fausto Paravidino rappelle un peu les polars de Henning Mankell et Ian Rankin, deux auteurs pour qui l'univers du crime est une porte d'entrée pour analyser la société dans laquelle ils vivent. La forme privilégiée par le jeune auteur italien ne lui permet toutefois pas de dépasser l'anecdote.

De plus, pour être efficace, un thriller doit être ciselé et précis. Or, c'est ici que le bât blesse. La distribution n'offre pas une performance d'une netteté suffisante pour soutenir un suspense. L'énergie est là, mais le jeu manque souvent d'aplomb, sauf dans le cas de Jean-Michel Déry et de Christian Essiambre. En conséquence, la mécanique tourne parfois mollement et, par effet d'entraînement, le récit n'a pas l'impact ni la portée escomptés.

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Nature morte dans un fossé, jusqu'au 22 janvier à Espace libre.