Les mutants, nouvelle création de la Banquette arrière, coécrite par Sophie Cadieux et Sylvain Bélanger (qui signe la mise en scène), ne manque pas d'audace. Ni de bonnes idées. Ni même de bons moments.

Le point de départ: huit trentenaires sont catapultés dans le passé et ramenés derrière leur pupitre, dans une classe de sixième année. Façon de faire un retour en arrière pour les éclairer dans ce qu'ils sont devenus, dans le chemin qu'ils ont parcouru.

Mais cette proposition prometteuse va dans tous les sens, et puise dans toutes les époques jusqu'à se perdre en circonvolutions. En voulant faire un parallèle avec l'évolution du Québec comme société, l'équipe de création a ouvert une boîte de Pandore, qui n'en finit plus de s'emballer.

Les huit personnages sont appelés à s'exprimer sur divers sujets - à l'invitation de leur professeur (Sylvain Bélanger), assis dans la salle, parmi les spectateurs : leurs vacances préférées, leurs tatouages idéals, leur perception du vieillissement, ce qui a le plus changé dans leur vie, et j'en passe.

Les réponses imaginées par les comédiens, tous très bons, sont le plus souvent assez personnelles et témoignent bien des préoccupations de leur génération (Y), mais elles sont aussi l'occasion de citer, dans le désordre, artistes, chanteurs, poètes, philosophes et politiciens, comme l'ex-maire de Saint-Hyacinthe dans les années 40, Télesphore-Damien Bouchard.

On a beau ressortir ces archives historiques, qui ne manquent pas d'intérêt, ce sont les «confidences» des comédiens qui nous touchent le plus.

Ces segments sont entrecoupés par des projections vidéo diverses, qui vont d'une entrevue avec Michèle Richard (en 1963) à une publicité de WonderBra, en passant par la diffusion d'un 33-tours sur la puberté et d'extraits de films de Claude Jutra et Gilles Groulx, mais aussi de Luc Bourdon (La mémoire des anges).

Oui, certains des propos sont éclairants et parfois même assez rigolos, mais on peine à en extraire la matière première. L'exercice va à la dérive lorsqu'un «vrai» député de l'ADQ est invité par l'instituteur pour parler à ses élèves. Le politicien dénonce le cynisme des jeunes de sa génération, l'absence de temps libre et autres inquiétudes concernant la bonne marche de notre société. Une apparition qui casse le rythme de la pièce, tout en nous laissant pantois.

Et puis la machine continue de s'emballer avec ce jeu-questionnaire national où les élèves séparés en deux équipes doivent deviner quel politicien (d'hier à aujourd'hui) a dit quoi, et cette pourtant très belle interprétation chorale de la chanson J'veux pas vieillir, de Boom Desjardins. La proposition échevelée de Sophie Cadieux et Sylvain Bélanger finit par diluer le propos de départ sur le vieillissement, un sujet qui méritait un traitement à part entière.

Comme cette scène marquante vers la fin de la représentation lorsque tous les élèves tentent de sortir de leur costume d'écolier. Certains pleurent. D'autres sautent de joie ou refusent de changer de vêtements. Belle métaphore de notre refus, de notre acceptation, bref de notre réaction face au vieillissement.

Ce sont ces images que nous retiendrons des Mutants, comme le décor d'Évelyne Paquette - avec ces pupitres placés sur un plancher d'ardoise et cet écran en trois pans sur lequel sont projetés les extraits vidéo - plutôt que ce cours d'histoire politique du Québec, qui n'est pas parvenu à s'emboîter dans le questionnement de ces jeunes sur le passage du temps.

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Les mutants, à Espace Go jusqu'au 22 janvier.