Dans la création de Daniele Finzi Pasca, il y a toujours la même nostalgie, la même poésie évocatrice d'une douce folie fellinienne. L'austérité, la sévérité, l'errance intellectuelle, le metteur en scène ne connaît pas. Et ce, même quand il s'agit de s'adresser artistiquement à Anton Tchekhov, celui qui a consacré son oeuvre à disséquer les âmes et à décrire la désespérance de la condition humaine.

On ne se réinvente pas, il faut croire. Quand on a vu le jour en Suisse italienne, qu'on se définit comme un clown et qu'on a donné vie à une technique qui s'appelle le «théâtre de la caresse», la froideur et l'ennui ne sont pas des réflexes naturels.

Ce qui ne veut pas dire que Donka-Une lettre à Tchekhov se cantonne dans une légèreté éthérée qui fait plaisir, sans se risquer dans les zones d'ombre et le territoire de la réflexion. Les artistes sur scène (acrobates, acteurs, clowns...) composent une oeuvre en plusieurs tableaux impressionnistes, racontant par bribes et métaphores la vie et l'oeuvre du médecin et dramaturge russe.

À travers l'humour d'un récit raconté par petites touches, la candeur triste de personnages clownesques et la composition d'une esthétique surannée, Daniele Finzi Pasca évoque la difficile condition humaine. Avec Tchekhov comme avec les saltimbanques paumés de Nebbia, ce photographe de la scène rend un hommage aux «survivants de la vie».

Un spectacle inclassable

Sur les planches de l'Usine C défile ainsi un cortège de personnages émotifs et débordants de vie, qui rapiècent les moments charnières du passage sur Terre d'Anton Tchekhov. La narration est ponctuée d'expressions italiennes, ce qui ne nuit pas à la compréhension du spectacle. Les mots ont une fonction plus poétique qu'explicative, dans cette promenade de deux heures dans le passé rêvé du dramaturge russe.

Jouant avec la vidéo, l'acrobatie, la danse, l'art clownesque, Daniele Finzi Pasca s'est vraiment approprié l'esprit de Tchekhov pour donner vie à un spectacle avant tout visuel.

Un vague sentiment de mélancolie, un ravissement et surtout une immense chaleur habitent le spectateur à l'issue de cet inclassable Donka qui se distingue comme un temps fort du parcours artistique de Daniele Finzi Pasca. Longue vie à ce clown photographe qui insuffle de la tendresse aux mots.

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Donka-Une lettre à Tchekhov, jusqu'au 18 décembre à l'Usine C.