Rares sont les pièces d'auteurs québécois traduites en anglais l'année de leur création et jouées ici même dans la langue de Shakespeare. C'est le cas de A Story of War, version anglaise de Au champ de Mars, de Pierre-Michel Tremblay, présentée au Monument-National cette semaine.

La version originale - jouée au mois de janvier à la Licorne, juste avant le début des travaux - avait du mordant; et l'humour grinçant de Tremblay colorait à merveille ce drame humain d'actualité. Dans la traduction de Paula Wing et la mise en scène de Micheline Chevrier, on sent peut-être moins l'humour noir de l'auteur de Coma Unplugged, mais on va à l'essentiel de ce récit qui s'interroge au fond sur notre besoin d'engagement.

L'histoire, on s'en souvient, raconte les tourments d'un soldat canadien qui rentre d'une mission à Kandahar en choc post-traumatique. Le jeune homme consultera une psychologue souffrant d'épuisement professionnel qui suit des cours de clarinette avec un militant pacifiste. Apparaît également un réalisateur de films de série Z (qui allège la distribution), qui cherche à faire «le film de guerre de sa vie». Évidemment, tous ces personnages finissent par se croiser à un moment ou un autre.

Chacun est engagé à fond dans ses projets tout en souhaitant «faire une différence». À sa façon. Cet aspect-là est très bien exploré par la metteure en scène, qui fait paraître moins frivoles les personnages entourant le soldat. Peu importe, le sauvetage du jeune militaire, perdu dans la faune humaine de la société civile, passe obligatoirement par ses relations humaines et affectives. Qu'il doit réapprendre à tisser. Et qui éclairciront son récit entourant les fameux Timbits de Tim Hortons.

L'élément-clé des deux productions: la force du personnage de sergent, espèce de militaire de haut rang qui hante l'esprit du jeune soldat en choc post-traumatique. Qui l'insulte, le dénigre et le méprise. Micheline Chevrier fait preuve de beaucoup d'inventivité pour mettre en scène ce personnage fantomatique. Dont la voix est amplifiée par un petit micro que porte l'acteur Bill Croft (excellent) et qui entre et sort du décor à travers les murs.

Tous les autres comédiens se débrouillent plutôt bien. Andrew Shaver, dans son rôle de réalisateur narcissique, est très efficace; Alain Goulem se tire également bien d'affaire dans son rôle de gourou pacifiste. La performance des deux personnages principaux, Leni Parker (la psychologue) et Will Greenblatt (le soldat), m'a semblé inégale. Ce qui n'empêche pas d'apprécier cette très percutante production qui n'a malheureusement attiré que quelques badauds - dont quelques représentants d'ONG antiguerre - lors de la représentation de mercredi soir.

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Au Monument-National jusqu'au 4 décembre. En anglais.