La nouvelle création de Carole Nadeau relève plus de l'expérience sensorielle, du récit poétique et de l'installation vivante que du théâtre à proprement parler. Même s'il y a, bien évidemment, une dimension théâtrale à cette représentation aux allures de performance.

Suspendue dans les airs pendant toute la durée du spectacle, Carole Nadeau nous propose une plongée en apnée dans les profondeurs d'une âme qui chevauche la vie et la mort. On se croirait par moments dans les fonds sous-marins, excepté que notre regard est toujours attiré par le haut...

Rattachée par des sangles et des harnais qui montent jusqu'au plafond, elle commence le spectacle en position couchée, mais se redresse, pivote sur elle-même, se déplace en direction des spectateurs, renverse la tête vers le bas. L'effet est saisissant.

On comprend que cette femme se trouve dans un coma à la suite d'un grave accident de voiture. Pendant une heure, nous vivons avec elle toutes les contradictions de cet être en apesanteur, qui repose entre la vie et la mort. Qui parfois s'adresse à nous directement, parfois avec une voix hors champ.

Elle entend, mais ne peut parler; elle a soif, mais ne peut étirer son bras pour prendre le verre d'eau déposé sur sa table de chevet; elle revit son accident, mais en même temps, ses dérives la transportent dans les recoins insoupçonnés de sa pensée et laissent croire que ce coma a peut-être d'autres origines.

Pendant ce temps, trois régisseurs-comédiens contrôlent les mouvements de ce corps en suspens; l'un d'entre eux y va même de coups de crayons et de pinceaux projetés sur deux écrans géants placés à l'arrière-scène. Visuellement, cela crée des tableaux d'une très grande beauté.

Comment recevoir une telle décharge? Bien sûr, nous ressentons le déséquilibre, le flottement et les errances de cette âme prisonnière; l'effet en est presque hypnotisant, si je me fie au K.-O. reçu par l'un de mes voisins, projeté dans les bras de Morphée après le premier tiers de la pièce.

Il reste que l'exercice de Carole Nadeau s'avère plutôt intéressant, même si l'on baigne dans un univers abstrait où le «mobile» à l'origine de ce coma n'est pas très clair, et peut provoquer des raideurs au cou...

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À l'Espace libre jusqu'au 20 novembre

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