Yellow Moon, c'est l'histoire d'une fuite. De plusieurs fuites, en fait. Il y a d'abord Leïla (Sylvie de Morais), jeune fille de bonne famille qui s'évade en s'automutilant lorsqu'elle feuillette des magazines consacrés aux gens riches et célèbres. Il y a Lee (Benoît Drouin-Germain), jeune délinquant qui aspire à devenir proxénète, mais qui est forcé de s'éclipser après un meurtre non prémédité.

L'improbable tandem part en cavale dans les Highlands, là où le père de Lee a déjà séjourné après avoir quitté sa mère. Arrivés au Nord, ils croiseront la route de Frank (Stéphane Demers). Gardien d'un grand domaine, il a lui aussi un démon à fuir, tout comme la superstar qui y séjournera, Holly (Monique Spaziani), dans l'espoir de s'oublier elle-même.

Les chemins de toutes ces âmes meurtries se croisent, bien entendu. Des liens se tissent - une grande idylle entre Leïla et Lee - et des confrontations surviennent. L'amour, la haine, le désir, le sang, Yellow Moon possède tous les ingrédients d'une grande équipée romantique. Et c'en est une, à bien des égards.

Sylvain Bélanger a placé ses acteurs sur une aire de jeu érigée au milieu de l'assistance. De part et d'autre de cette scène dépouillée et barbouillée de rouge s'élèvent en effet les gradins. L'approche privilégiée par le metteur en scène réfute tout réalisme. Les scènes jouées s'entremêlent avec les séquences narrées directement à l'adresse des spectateurs, comme si on assistait à une soirée de contes.

L'orchestration est habile et s'avère évocatrice. L'imagination des spectateurs, constamment sollicitée, réveille des images enfouies dans nos têtes: un Nord écossais fantasmé, un lac glacé, un feu de broussailles, un sanglant assassinat... Les acteurs racontent autant qu'ils incarnent leurs personnages, recherchent la connivence avec l'assistance. Comme si tout ça était plus grand qu'eux et que nous. De l'ordre du mythe, presque.

Et ce l'est, en quelque sorte. La ballade de Leïla et Lee (c'est le sous-titre de la pièce de David Greig) trouve son élan dans ce romantisme affiché et son côté «récit initiatique». Lee ne fuit pas qu'un crime, il part en quête d'un père qui l'a abandonné alors qu'il avait 5 ans. Et trouve l'amour d'une jeune fille trop bien pour lui.

Ne manque à ce conte à la fois banal et épique, cousu de fil blanc sans être fleur bleue, qu'un soupçon de magie pour véritablement transcender les mots et les gestes. Un romantisme plus appuyé, peut-être. Ou un écart encore plus grand entre le ton des scènes jouées et celles narrées. Le désir du metteur en scène d'afficher le caractère fictif de cette touchante aventure est clair. On regrette toutefois qu'il ne soit pas toujours totalement assumé.

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Yellow Moon, jusqu'au 27 novembre à Espace Go.