S'il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus parmi les diplômés en jeu, l'avenir semble plus rose chez les scénographes, les concepteurs d'éclairages et les autres métiers techniques. Ce qui ne signifie pas que ces corps de métier n'ont pas de défis à relever. Louise Roussel et Danièle Lévesque, directrices des programmes de production et de scénographie, évoquent les enjeux touchant la formation des poètes de l'ombre.

Être de son temps

Louise Roussel a posé ses valises à l'École nationale après avoir passé 15 ans à faire des tournées avec Ex Machina. Ses racines l'incitent tout naturellement à vouloir mieux former les futurs artisans des coulisses aux possibilités qu'offrent les nouvelles technologies. «Actuellement, il n'y a pas de cours sur la projection et c'est quelque chose que je voudrais implanter», dit-elle, évoquant la possibilité de partenariat avec les boîtes qui possèdent les équipements nécessaires et qui sont hors de prix pour l'École.

Elle ne considère pas la technologie comme une fin en soi, mais estime qu'il faut «être de son temps» pour demeurer pertinent. Maquettes, plans d'éclairages, prototypes, tout peut se faire à l'aide de logiciels de nos jours.

Le Québec, laboratoire créatif

«La force du Québec, c'est la création et l'événementiel», juge Louise Roussel. Elle parle des festivals, du Cirque du Soleil et d'Ex Machina, bien sûr, mais aussi de tous ces lieux ou entreprises qui, de l'Usine C au Théâtre des Deux Mondes, en passant par Géodesik, Moment Factory et la Société des arts technologiques, mettent en valeur ou créent de nouveaux outils.

«En multimédia et même en régie vidéo, on travaille depuis quelques années avec des logiciels qu'utilisent les VJ pour manipuler en temps réel des images qui, le plus souvent, étaient enregistrées et numérisées, cite-t-elle en exemple. On songe plus à intégrer de la lumière vivante, quelque chose qui bouge et qui n'est pas de la vidéo ou de la photo.»

L'exploitation - et non pas la démonstration - du potentiel artistique de ces outils actuels passe par l'intégration plus hâtive des concepteurs visuels dans le processus et le budget de création, selon elle. Ce qu'elle aimerait implanter à l'École nationale.

S'ouvrir aux autres arts

L'important pour les artisans qui deviendront costumiers et scénographes, c'est d'apprendre à regarder et à voir, selon Danièle Lévesque. Elle a remis les cours d'analyse de textes au programme dans son département, mais insiste surtout sur son envie de former des concepteurs qui sont en interaction avec les arts visuels au sens large.

«On est des penseurs et des passeurs. On n'est pas juste des décorateurs et des architectes, mais aussi des peintres. On travaille de plus en plus l'image, alors on est aussi influencés par le cinéma. On devient monteurs, directeurs photo... Notre métier s'ouvre et s'enrichit beaucoup des autres formes d'art.»

Les jeunes artistes qui s'inscrivent en scénographie ne sont pas nécessairement les spectateurs les plus assidus, constate-t-elle, mais ils veulent explorer le théâtre à travers la cohabitation de plusieurs formes d'art. Elle réfléchit d'ailleurs tout haut à un exercice axé sur la création d'un spectacle sans acteurs et sans textes dont le «scénario» serait écrit par la scénographie, les éclairages et les costumes.

Métiers d'avenir

En production, le taux de placement des diplômés de l'École nationale ne pourrait être plus élevé: 100 % des anciens se trouvent du boulot dans leur domaine. «Leur force, c'est d'avoir touché à différentes productions et d'avoir travaillé à plusieurs projets en même temps, comme dans le monde réel. On forme des chefs, des gens qui ont une vision d'ensemble», estime Louise Roussel.

Danièle Lévesque se montre elle aussi enthousiaste quant aux perspectives d'avenir des jeunes scénographes. «Il y a de plus en plus de débouchés, je pense. Le Cirque du Soleil est un employeur incroyable, bien sûr, mais il y a aussi de plus en plus de petites compagnies, constate-t-elle.

«Ça bouge beaucoup, c'est très vivant. Peut-être parce qu'il y a beaucoup de travail d'exploration, beaucoup de jeunes troupes qui se mettent au monde, ajoute-t-elle. Ça donne du travail.»