À l'automne 1968, l'École nationale est le lieu d'un véritable coup de théâtre: en désaccord profond avec ce qui leur est imposé, les élèves de dernière année de la section interprétation française partent en bloc. Il n'y aura donc aucun diplômé en jeu au printemps 1969.

Paule Baillargeon était de ceux qui ont claqué la porte, tout comme Pierre Curzi, Claude Laroche, Gilbert Sicotte et Jean-Denis Leduc (cofondateur de La Licorne et du Théâtre de la Manufacture). Leur geste visait en particulier le directeur de leur section, André Muller. «Il était très, très européen dans sa conception des choses et manifestait un certain mépris envers les Québécois», se souvient-elle.

Les aspirants comédiens, eux, voulaient faire un théâtre qui leur ressemblait et demandaient rien de moins que la cogestion de l'École. Des revendications que Pierre Curzi et Claude Laroche avaient étayées dans un manifeste. «L'École a écouté et examiné nos demandes. Ils ont fait certaines concessions, croit se rappeler Paule Baillargeon. Mais la cogestion, il n'en était pas question.»

La réalisatrice de La cuisine rouge et Le sexe des étoiles garde une image très nette du moment où elle a vidé son casier. «Dire non à l'École, c'était aussi dire non à ce qui pouvait nous faire vivre», dit-elle. Même si un vent de contestation soufflait à l'époque, c'était un geste «difficile à faire».

Paule Baillargeon et quelques collègues ont tout lâché pendant quelques mois, avant de créer Pot-TV, présenté en juin 1969 au Quat'Sous. Raymond Cloutier, qui avait son projet de Grand cirque ordinaire, a vu le spectacle et a invité Claude Laroche et Paule Baillargeon à se joindre à lui. Gilbert Sicotte et Pierre Curzi ont suivi ensuite.

Ce coup d'éclat a provoqué le changement souhaité à l'École nationale: André Pagé, qui a succédé à André Muller, a commandé des textes à des auteurs dès 1971 et mis en place un programme d'écriture en 1975. «Je pense qu'on a eu un réel impact», conclut Paule Baillargeon.