Goldoni demeure associé à la commedia dell'arte dans l'esprit de plusieurs. Son oeuvre en est tributaire, bien sûr, mais le dramaturge italien a surtout cherché à s'en affranchir. Trilogia della villeggiatura, production du Piccolo Teatro de Milan présentée jusqu'à dimanche au Théâtre Maisonneuve, tient d'ailleurs plus des graves comédies de caractère de Molière que de la pièce bouffonne qui suit un canevas.

Donné dans un italien débité à toute vitesse, le spectacle mis en scène par Toni Servillo est difficile à suivre pour qui ne connaît pas la langue de Goldoni. Il y est d'abord question des liens entre amour, réputation et argent. C'est aussi une critique assez dure de la vanité des bourgeois qui s'adonnent aux plaisirs (et aux dépenses) de la villégiature pour afficher leur statut social... et parce que le voisin le fait.

Pour Giacinta (Anna Della Rosa), les vacances ne sont d'ailleurs pas une partie de plaisir. Elle s'est promise (ainsi que sa dot) à Leonardo (Andrea Renzi), dont elle ignore la situation financière précaire, pour ensuite s'éprendre du mélancolique Guglielmo (caricatural, mais juste Tommaso Ragno). Les deux galants passeront bien sûr leurs vacances tout près d'elle. Ce qui doublera son trouble et l'incitera à sonder son âme dans une scène presque shakespearienne: doit-elle céder aux mouvements de son coeur ou choisir la voie de l'honneur?

Toni Servillo (délicieux dans le rôle de Ferdinando) a privilégié une approche très sobre. Sa mise en scène est d'un classicisme dépouillé. Pour ne pas dire vieillot. L'idée maîtresse, au plan esthétique, est de ne jamais détourner l'attention des spectateurs du texte et des acteurs qui le portent. Le jeu des comédiens est globalement formidable en effet et il est vrai que ce genre de pièce s'appuie d'abord sur la mécanique du texte.

Sous-titres chétifs

Or, pour savourer pleinement ce Goldoni-là, en connaître la trame narrative ne suffit pas. Il faudrait pouvoir saisir au vol les traits d'esprit qui accompagnent les gestes et les mimiques. Des sous-titres chétifs, placés trop haut au-dessus de l'aire de jeu, ne suffisent pas à donner la mesure d'un texte foisonnant ni à suivre le rythme des échanges.

Cette fresque que Goldoni a voulu d'un comique féroce, on l'a surtout reçue comme une pièce grave. Parfois lourde, même. On reconnaît bien sûr notre propre monde dans cette belle société qui s'amuse à crédit en croyant ne jamais devoir payer la note. Sans l'enrobage humoristique, qui s'est perdu dans la traduction, c'est une pilule bien dure à avaler.

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Jusqu'à dimanche, au Théâtre Maisonneuve de la PDA.