La version de La duchesse de Langeais qui sera présentée demain et jusqu'à samedi au Studio-Théâtre de la Place des Arts est une histoire de passion : celle du comédien Francis Bourgea, amoureux depuis belle lurette de cette pièce créée en 1968 par Michel Tremblay, mais aussi celle de Rita Lafontaine, qui a créé une mise en scène à la fois originale et conforme.

La duchesse de Langeais n'a rien à voir avec la bourgeoise du roman d'Honoré de Balzac. Cette duchesse-là est un travesti et un prostitué de la Main. La pièce, créée la même année que Les belles-soeurs, a été présentée à Avignon en 1976 et a été l'oeuvre fétiche de Claude Gai. Il l'a jouée au Quat'Sous dès 1970. André Montmorency a aussi interprété le monologue d'Édouard en 1996.

Travaillant en atelier avec Rita Lafontaine dès 2007, Francis Bourgea a convaincu la grande interprète de Tremblay de monter la pièce, présentée une première fois en 2008 au Théâtre Mainline. Devant son succès et la réception que lui a réservée Michel Tremblay, «bouleversé», dit Rita Lafontaine, La duchesse de Langeais est reprogrammée cette semaine, dans le cadre des 4es Célébrations de la fierté à Montréal.

«J'étais très contente et fière, car Francis a travaillé très fort pour mettre ça en place», dit Rita Lafontaine en entrevue. Il ne s'agit pas de sa première mise en scène: elle a déjà monté du Michel Tremblay à l'École nationale de théâtre et aussi La reine mère, d'Anne Boyer et Michel D'Astous, en 2004.

Pour cette Duchesse de Langeais, elle a occulté les interprétations précédentes. «Le personnage est plus âgé que Francis, dit-elle, mais la fin de la vie peut arriver à n'importe quel âge. On s'est laissé guider par le texte. Les personnages de Tremblay sont si beaux, si forts, si complexes. Mais Édouard est un personnage comme les autres, avec son désespoir, ses questionnements, son regard lucide, ou pas, sur sa vie. Le texte a conservé sa modernité.»

La pièce est intense. «Dans la dernière partie, on parle de pédophilie, de viols, dit Francis Bourgea. Ça va très loin et, émotivement, c'est très drainant. Mais c'est un personnage immense.»

Il y a un deuxième acteur sur scène, David Marcel, rôle muet que Rita Lafontaine a créé de toutes pièces. Autre variante, la Duchesse n'est pas habillée en drag queen, mais en pyjama et se trouve dans une chambre. «C'est plus intime, dit Francis Bourgea. Rita trouvait que c'était plus beau, plus troublant de voir cet homme parler de lui au féminin alors qu'il n'a aucun artifice féminin sur lui.»

Ce rôle est important pour Francis Bourgea, qui veut désormais se consacrer à la scène. «J'aimerais jouer la pièce en anglais, dit-il. Au Théâtre francophone de Toronto, il y aurait des possibilités.» Mais il ne veut pas «faire son Édouard» et prétendre à la gloire. Adviendra ce qui adviendra.

Rita Lafontaine aimerait que l'aventure de la pièce se poursuive, elle qui a réussi à inculquer un réel plaisir de jouer à Francis Bourgea. «Je carbure au plaisir et à la confiance, dit-elle. C'est en s'abandonnant qu'on va chercher le plaisir du jeu. Paul Hébert disait: «Jouez comme des enfants, Pan! Pan! T'es mort! Pouf! Tu tombes!» Il faut aller rejoindre le public avec le plus d'authenticité possible.»

Plusieurs projets pour Rita Lafontaine

Ces jours-ci, Rita Lafontaine prépare ses caisses. Elle déménage à Trois-Rivières, sa ville natale, où elle enseignera dès septembre trois jours par semaine aux étudiants du certificat en interprétation théâtrale de l'Université du Québec à Trois-Rivières, un programme qu'elle a suggéré. Mais ça ne l'empêchera pas de jouer, dit-elle.

Cette année, après sa tournée au Québec avec Le paradis à la fin de vos jours, elle a joué dans French Immersion, un film de Kevin Tierney, et tournera ce mois-ci dans Les Boys 4 où elle interprète une femme excentrique, amoureuse de Pierre Lebeau.

On la verra sur les écrans, en novembre, dans Une vie qui commence, un film de Michel Monty, avec François Papineau, Raymond Cloutier (dont elle joue la femme), Julie Le Breton et le jeune Charles-Antoine Perreault.

Mettre en scène, jouer la comédie, tourner des films. Où va sa préférence? «C'est toujours le même plaisir, dit-elle. Depuis Les belles-soeurs, il y a 42 ans, les amitiés, les échanges, les liens, on n'oublie jamais les gens avec qui on a joué, les petites choses qui sont arrivées sur scène, etc. Jeune, je voulais être médecin. Je voulais soigner. Finalement, quand les gens entendent des textes qui leur apportent des réponses, je pense que j'ai atteint mon but.»

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La duchesse de Langeais Studio-Théâtre de la Place des Arts les 10, 11, 12, 13 et 14 août à 20 h. Le 14 août également à 14 h.