Escouade policière,  unité d'intervention de la Croix rouge, prisonniers en fuite et camions de pompiers tous gyrophares dehors, la Place Pasteur a été le théâtre d'une intervention d'urgence, jeudi soir, sous les regards éberlués des passants. Ce n'était qu'un jeu présenté dans le cadre du Festival TransAmériques. Son inventeur, le metteur en scène Roger Bernat, avait tout prévu.

Tout? Non. La présence des pompiers de la ville de Montréal ne faisait pas partie du scénario. Elle a néanmoins contribué à planter le décor et rappelé que, quand on investit l'espace urbain, tout peut se produire. Même ce genre de hasard heureux.

Domaine public est une expérience que son créateur qualifie de «jeu de société». L'appellation n'est pas innocente. Les seuls acteurs sur le plateau, c'est nous, les spectateurs. Coiffé d'un casque d'écoute, on est invité à se déplacer à droite ou à gauche, à lever le bras ou à s'agenouiller, selon qu'on répond oui ou non à l'une des dizaines de questions posées.

Pour le passant, qui n'a aucune idée de ce qui motive ces mouvements collectifs, le spectacle doit avoir quelque chose de la chorégraphie désordonnée. Pour le participant, l'expérience a d'abord quelque chose de purement ludique. Mais elle se transforme vite en une forme d'exploration active de la cohésion sociale.

Entre une foule de questions anodines, ou destinées à servir le jeu de rôle concocté par le metteur en scène catalan, s'en glissent des plus intimes. Des questions qui visent à séparer le groupe selon le rang social des participants, leurs origines, leurs convictions ou leurs histoires personnelles.

De l'extérieur, on ne voit pas à la différence. Mais pour le «spectacteur», le jeu prend également des allures d'examen de conscience. Il force les tiroirs de notre mémoire. Il interroge non seulement le regard qu'on pose sur les autres, mais aussi sur soi-même et sur l'image qu'on veut donner de soi en société.

Dans ses moments les plus dramatiques (car courbe dramatique il y a), le jeu questionne même assez brusquement la dynamique des groupes (notre relation à l'autorité, nos réactions aux actes de violence) et parvient même à composer des tableaux touchants. Domaine public est plus qu'un amusant petit jeu, c'est l'une de ces rares expérience qui ont le potentiel de transformer ses participants.

 

Domaine public est repris jusqu'à dimanche, à 19 h, à la Place Pasteur.