La Maison Théâtre reçoit cette semaine de la visite de Belgique. Les Ateliers de la colline, qui fait du théâtre jeune public depuis une trentaine d'années, présente Tête à claques, créée en mai 2007 à Liège. Jouée plus de 250 fois, la pièce écrite et mise en scène par Jean Lambert, qui traite du thème de l'exclusion, débarque à Montréal, puis à Ottawa.

Adapté d'une nouvelle qu'il a écrite avec Dominique Renard, Tête à claques n'a rien à voir avec les personnages animés de Michel Beaudry. La pièce s'inspire plutôt d'un fait divers rapporté près de Liège, en Belgique, il y a environ cinq ans. Un jeune garçon de 12 ans avait alors été arrêté pour avoir mis le feu dans son village.

«Ce garçon, raconte Jean Lambert, joint au téléphone en Belgique, a déclenché une demi-douzaine d'incendies. Il a admis durant ses interrogatoires avoir vécu une année monstrueuse, où il était systématiquement humilié dans son école, où certains enfants l'enfermaient une journée entière dans une poubelle, etc. Il a fini par péter les plombs.»

Ce rejet, ou cette exclusion, a été le point de départ de l'auteur et metteur en scène, qui a imaginé des frères jumeaux totalement exclus de leur communauté, deux boucs-émissaires avec des caractères très différents qui, par désespoir ou par vengeance, mettent le feu dans leur village le jour de leurs 12 ans.

Dans la pièce, qui se déroule sur une période d'environ 20 ans, les deux frères, Stef et Mika, sont entourés de poupées (qui ne sont pas manipulées), qui sont intégrées dans le récit. «Il s'agissait de représenter les gens du village, explique Jean Lambert. Il y a donc une quarantaine de poupées ou de mannequins sur scène.»

Ces poupées, poursuit l'auteur, sont des objets d'art brut, et sont omniprésentes dans le décor et la scénographie. «On apprend dans l'histoire que ces poupées ont été créées par un des jumeaux, qui attend le retour de son frère, qui purge une peine d'emprisonnement. C'est en créant ces poupées qu'il parvient à exprimer sa souffrance.»

Car, faut-il le préciser, les deux frères racontent leur histoire alors qu'ils ont tous deux 24 ans, même si les tragiques événements ont eu lieu 12 ans plus tôt. «Les personnages ont un peu de recul, indique Jean Lambert, ce qui leur permet aussi de traiter le sujet aussi avec humour.»

Mais d'où lui est venue cette idée des poupées? «C'est en m'intéressant aux collections d'art brut en Europe que j'ai eu envie d'inclure ces poupées. L'art brut est une pratique artistique qui s'adresse à des personnes qui ont vécu des situations difficiles, qui ne sont pas des artistes comme tels, mais qui se servent de l'art pour s'exprimer, pour expurger les choses.»

«Je me rappelle d'un employé dans une petite ville aux États-Unis, raconte encore Jean Lambert, une personne discrète, solitaire, avec peu de relations, un petit boulot, qu'on a retrouvé un jour morte à la suite d'un infarctus. On a découvert que depuis 40 ans, l'homme utilisait le papier peint de sa maison pour créer une immense bande dessinée. Qui se trouve maintenant dans un musée!»

Cette forme de théâtre d'intervention sociale nourrit les Ateliers de la colline depuis ses débuts. D'où cette nouvelle création qui donne la parole à ces frères, deux têtes à claques, deux toughs qui ne supportent plus le regard méprisant de leurs voisins, ni même leur présence.

Tout commence par une fête organisée par la maman des jumeaux pour leur 12e anniversaire, sorte de tentative de réconciliation avec les habitants du village. «On se rend compte dans l'histoire que de génération en génération, cette famille est stigmatisée dans le village. Dès qu'il y a quelque chose qui ne se passe pas bien, on frappe sur cette famille-là.»

Cette manière de se donner du pouvoir en s'en prenant aux plus faibles existe malheureusement depuis toujours. Tout particulièrement dans nos écoles. Avec tout ce qu'on entend sur le taxage et l'intimidation, quel est le message que veut véhiculer ce spectacle?

«Ce que je trouve bien, dit Jean Lambert, c'est que le processus artistique permet aux personnages de dépasser leur douleur, de manière à ne plus penser à mettre le feu pour régler leurs problèmes, mais à communiquer.»

Tête à claques, à la Maison Théâtre du 29 avril au 9 mai. Et au CNA (Ottawa) du 12 au 16 mai. Pour les jeunes de 9 à 14 ans.