Avant même la première, Et Vian! dans la gueule a une histoire. Ses racines se trouvent en effet dans un spectacle coiffé du même titre qui a été présenté il y a 15 ans au théâtre La Chapelle. Carl Béchard dirigeait alors un groupe de jeunes comédiens rassemblés sous le nom de Groupe Audubon (Patrice Dubois, actuel codirecteur du PàP, en faisait partie) dans un collage similaire de textes et de chansons de Boris Vian.

Et Vian! dans la gueule, tel qu'il sera présenté au TNM, ne constitue pas une reprise de ce spectacle. Carl Béchard parle plutôt de relecture. «Le tiers des textes diffère», estime-t-il. La colonne vertébrale du collage demeure Le goûter des généraux, texte auquel il a ajouté, en contrepoint, des extraits de la nouvelle Les fourmis.

«Il y a aussi d'autres textes, chansons et poèmes qui sont dans la veine antimilitariste, ou violemment pro civil comme le dit Boris Vian», précise le metteur en scène, qui considère comme un «luxe» d'avoir la possibilité de replonger dans ce spectacle 15 ans plus tard. «On se rapproche d'une lecture plus mûre de Boris Vian», croit-il.

Et Vian! dans la gueule, version 2010, ne condamne pas les soldats comme pouvait le faire celle de 1995. Alors qu'avec le Groupe Audubon, ils avaient pris le parti de transformer les personnages en marionnettes du pouvoir, Carl Béchard estime aujourd'hui que c'est au public de décider si les militaires montrés dans le spectacles sont à la botte du pouvoir financier et politique.

L'approche moins radicale tient entre autres au contexte. En 1995, les guerres qui pouvaient servir de référence étaient lointaines (la première guerre du Golfe, notamment, dans laquelle ne Canada n'était pas engagé). En 2010, Carl Béchard et sa distribution de haut niveau (outre Marc Béland, elle comprend Sylvie Drapeau, Pascale Montpetit, Pierre Chagnon, Emmanuel Bilodeau et plusieurs autres) prennent la parole dans un pays dont l'armée, longtemps considérée comme un gendarme de la paix, est devenu un «agresseur».

«Le fait que certaines familles soient touchées dans leur chair m'incite à y réfléchir à deux fois avant de condamner, admet le metteur en scène. L'empathie pour les soldats qui reviennent est plus grande, plus réelle, mais la condamnation de la guerre demeure.

«Ce qui est dénoncé, insiste-t-il, c'est cette attitude, ce manque de culture et ce manque de maturité des gens qui prennent des décisions impliquant des nations et qui envoient des gens se faire tuer.» Carl Béchard ne veut toutefois pas seulement y voir une critique, mais aussi l'idée de la promotion du bonheur. «La guerre empêche l'amour et le bonheur, fait-il remarquer, il y a aussi ça dans le spectacle.»

Et Vian! dans la gueule, du 27 avril au 22 mai au TNM.