Isabelle Vincent et Sylvie Drapeau entretiennent une amitié durable qui les a menées à l'écriture. Quatre ans après leur première pièce, Avaler la mer et les poissons, elles replongent et concoctent un drame familial qui parle de la difficulté de réconcilier identité individuelle et collective.

Nul besoin de coûteuses séances de psychanalyse pour découvrir que le rapport à l'Autre est un sujet qui interpelle les comédiennes Isabelle Vincent et Sylvie Drapeau. Avaler la mer et les poissons, première pièce écrite par ces deux grandes amies, peignait un portrait nuancé d'une amitié durable. Les saisons creuse un sillon similaire: les liens chargés d'émotions contradictoires qui nous rattachent à nos père, mère, frère ou soeur.

 

«La question centrale c'est: qui suis-je?» résume Isabelle Vincent. Pour confronter Alizé (Isabelle Vincent), Margo (Annick Bergeron), Avril (Sophie Cadieux) et Blanche (Micheline Bernard) à cette interrogation fondamentale, les auteures les ont réunies dans la maison familiale pour célébrer les 80 ans de leur père (Pierre Collin). Aucune échappatoire possible: le Québec entier est paralysé par une énorme tempête de neige.

«Toute notre vie, on essaie de se départir des mécanismes hérités de l'enfance, mais dès qu'on se retrouve en famille, les même patterns nous retombent dessus, a constaté Isabelle Vincent. Notre pari c'était que, à travers cette histoire-là, ces femmes se transforment, qu'elles soient à la fois plus elles-mêmes et plus ensemble.»

La tempête ne souffle pas qu'à l'extérieur de la maison. Deux jours durant, les quatre soeurs vont se côtoyer et se confronter. Il y a de l'amour dans l'air, mais aussi de la jalousie et des soupçons. La mystérieuse absence de la mère doit être élucidée, le silence du père brisé et le sort de l'héritage connu. Mais au terme de cette réclusion forcée, ces quatre femmes auront-elles appris à aimer celles qu'elles sont devenues?

Collaboration plus distanciée

Ce que met au jour Les saisons, c'est l'écart qui peut exister entre ce que nous sommes aux yeux de notre famille et ce que nous croyons être dans notre vie sans eux. Comme si, une fois qu'on a quitté la maison familiale, il devenait difficile d'assimiler l'évolution de ceux avec qui on a grandi. «Les filles ont cette attitude envers leur père. Elles ont une image figée de lui, mais il a continué à évoluer, cet homme-là», signale Isabelle Vincent. À travers cet homme sédentaire et l'héritage qu'il veut léguer, le propos prend une résonance collective.

Alors que les deux comédiennes avaient écrit Avaler la mer et les poissons dans une proximité «presque fusionnelle», Les saisons émane d'une collaboration plus distanciée. Une méthode de travail qu'Isabelle Vincent attribue au thème ou au contenu de la pièce elle-même. «On a convenu de personnages, d'une trame narrative et, après, on a exploré des pistes chacune de son côté», raconte Isabelle Vincent.

«Est-ce une étape intermédiaire vers l'écriture en solo? se demande-t-elle tout haut. Peut-être.» Il reste que, pour le moment, partager l'écriture l'enchante. «J'aime confronter les écritures, essayer que ça s'arrime», assure la comédienne. Et puis, si le nom de Sylvie Drapeau n'apparaît pas sur l'affiche d'une éventuelle prochaine pièce, cela ne signifie pas que celui d'Isabelle Vincent y figurera seul: Maude Guérin et elle auraient un projet commun dans leurs tiroirs.

Les saisons, du 23 mars au 24 avril à Espace Go.