On sort d'Icaro le sourire aux lèvres. Même ceux qui jouent les durs se ramolliront... un peu. C'est sûr. Le tour de force de Daniele Finzi Pasca? Son personnage est terriblement attachant. À la fin du spectacle, on a un peu l'impression de quitter un ami. C'est du théâtre feel good.

Créé il y a 15 ans, ce «monologue pour un seul spectateur» relève à la fois du théâtre, de l'impro, de la performance et de l'art clownesque. Après un court prologue où il nous explique le contexte de cette création (présentée ici il y a 10 ans), Daniele Finzi Pasca choisit un spectateur dans la salle... et le met en scène avec lui.

Cinq minutes plus tard, le spectacle commence. Le public, lui, devient le témoin invisible de ce récit sur l'amitié.

L'histoire est à la limite simplette. Hospitalisé depuis trois ans, un homme accueille son nouveau compagnon de chambre (le spectateur) avec «enthousiasme». Pour échapper à la solitude, à la mort et sans doute aussi au regard critique des autres, il l'entraîne dans les sentiers lumineux de son imagination.

Le malaise du comédien-spectateur se dissipe rapidement. Le nôtre (pour lui) aussi. La présence rassurante de Pasca le transforme en acteur (la plupart du temps silencieux). Bien malgré elle, la vedette d'un soir est prise au jeu de l'amitié et des projets absurdes de son nouvel ami. Comme d'apprendre à voler pour s'évader de l'hôpital.

Le ridicule ne tue pas, dit-on. Icaro en fait la preuve. Certaines scènes, naïves au possible, quasi enfantines, font leur effet. Comme lorsqu'il tente d'enfiler son pantalon tout en s'empêtrant dans sa chemise d'hôpital. Ou quand il simule le rapt d'une «petite soeur», son «empaquetage» et son évasion. Mais on rit et on s'attache à cet homme sincère qui met son âme à nu.

Daniele Finzi Pasca, qui a mis en scène les trois derniers spectacles du Cirque Éloize (Nebbia, Rain et Nomade) ainsi que le spectacle Corteo, du Cirque du Soleil, revient ainsi à l'une des pièces fondatrices de sa compagnie Teatro Sunil. Et revêt, bien humblement, les habits de ce beau fou qui transforme son partenaire d'un soir en ami pour la vie.

On le sait, le comédien et metteur en scène suisse-italien a écrit cette pièce durant un séjour de deux mois en prison, où on l'a envoyé pour avoir refusé de faire son service militaire. On raconte aussi qu'il a dû attendre sept ans avant de purger sa peine, le temps qu'une place se libère. Ce qui rend cet épisode encore plus surréaliste.

On devine bien dans Icaro combien cet événement l'a inspiré dans son désir d'«ouvrir les portes» de l'imagination, notamment grâce à l'art, pour rester libre et vivant. Ces petites portes, il les ouvre habilement et nous donne l'espoir, pendant deux heures, de pouvoir, nous aussi, franchir leurs seuils. Simplement.

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Icaro, du Teatro Sunil. À l'Usine C jusqu'au 3 avril.