Que vaut une vie humaine face à la force de la nature? La nouvelle création du Moulin à musique, Pierres blanches, frappe dur et juste avec un message d'espoir et de solidarité.

Le thème de la nouvelle pièce musicale du Moulin à musique peut sembler brutal pour un public de 9-12 ans. Mais lors de la première, hier matin, alors qu'Haïti se réveillait dévasté par un séisme, on comprenait sans peine l'importance d'aborder le sujet des catastrophes naturelles avec les enfants et surtout, de donner des pistes pour retrouver l'espoir après l'horreur.

La metteure en scène de Pierres blanches, Martine Laliberté, a d'ailleurs dédié la représentation aux gens d'Haïti.

Par le truchement du théâtre, de la danse et de la musique contemporaine, la création collective raconte l'histoire de la petite Katrina, dont la famille a été décimée par une violente tornade. Elle est recueillie par sa grand-mère, avec qui elle se tricotera une nouvelle vie, une métaphore qu'on retrouve jusque dans la chorégraphie.

«C'était un jour à marquer d'une pierre blanche», avait l'habitude de dire le père de la fillette. «Le jour de la catastrophe, je n'ai pas eu à chercher des pierres, elles me sont tombées dessus», dit Katrina. Plus tard, déprimée par sa «relative insignifiance» après la lecture d'Une brève histoire du temps de Stephen Hawking, elle se confie à sa grand-mère: «Mon existence n'a pas de poids face à la force de la nature.»

La vieille dame lui fera comprendre comment le plus petit geste change le visage de l'humanité.

Le public sur scène

Dans cette nouvelle création, le Moulin à musique fait monter sur scène ceux qui forment habituellement son public. Depuis novembre, à raison de trois heures par semaine, 44 écoliers de deux classes de 6e et de 5-6e année de l'école Saint-Jean-de-la-Lande travaillent avec les artistes professionnels.

Les enfants ont été séparés selon leurs intérêts. Une partie d'entre eux se produisent sur scène, une autre a travaillé à la production et aux décors. Une douzaine forme le choeur représentant les enfants du village décimé par la tornade. D'autres assistent le guitariste Jonathan Barriault. Le choeur se déplace sur scène tel un décor vivant et accompagne les comédiennes Marie-Hélène da Silva et Karina Iraola par des bruits de roches, de bois, de souffle ou de papier.

Certains de ces sons serviront à la trame sonore d'une seconde version de la pièce, sans enfants cette fois, qui devrait être présentée en tournée prochainement.

«En très peu de temps, les jeunes ont compris le thème de la solidarité et aussi la discipline, les liens qui les tenaient les uns aux autres», souligne Mme da Silva, directrice artistique du Moulin à musique. Si un acteur flanche, l'ensemble ne fonctionne pas. Si l'un sourit par mégarde ou réajuste ses vêtements lors d'un moment dramatique, l'effet est loupé. Mille petits détails qu'il faut inculquer aux artistes amateurs.

Au début du projet, la directrice artistique retenait surtout l'ampleur des choses à faire. Maintenant, il lui reste essentiellement «le plaisir de travailler avec les jeunes». Elle salue aussi le travail de Dominique Touzel et Robert Roch, des «enseignants formidables».

La pièce a été présentée pour la première fois hier à la maison de la culture Rosemont-La Petite-Patrie devant des écoliers des quartiers Rosemont et Hochelaga-Maisonneuve. Deux autres représentations auront lieu aujourd'hui.

Un effort des enfants

Qui a dit qu'un spectacle jeune public ne pouvait pas être exigeant? Le Moulin à musique ne craint pas de demander un effort aux enfants. Les textes facilitent la compréhension, mais de grands moments de danse exprimant les émotions, la solidarité ou les efforts pour reconstruire une vie sont laissés à l'imagination. La trame dramatique a été librement inspirée du roman Extrêmement fort et incroyablement près, de Jonathan Safran Foer, qui raconte les suites du 11 septembre telles que vécues par un garçon de 9 ans qui a perdu son père.