Un an après avoir fait son entrée chez Duceppe dans Faits pour s'aimer, Danielle Proulx y est de retour dans L'espérance de vie des éoliennes. Frédéric Blanchette dirige la création de cette nouvelle pièce de Sébastien Harrisson où les esprits cartésiens sont confrontés aux mystères de la vie.

Au coeur de L'espérance de vie des éoliennes, il y a d'abord une maison. Une vieille demeure située quelque part en Gaspésie où s'installe Antoine (Luc Bourgeois), un ingénieur venu de la ville. Il n'est que de passage. Son séjour dans la région ne vise qu'à trouver ce qui ne va pas avec une éolienne qui tourne dans le sens contraire du vent.

La maison, située à proximité du parc éolien, appartient à Jeanne d'Arc (Danielle Proulx), une ancienne institutrice qui a les deux pieds sur terre, mais possède une intuition du tonnerre lorsqu'il est question du genre humain. «Elle a enseigné pendant 30 ans, elle peut dire au moindre regard si quelqu'un ment», précise son interprète.

Jeanne d'Arc et Antoine vont se lier, bien sûr, mais seront surtout confrontés à leur propre destin. Lui n'arrive pas à concevoir un enfant avec sa compagne (Catherine-Anne Toupin). C'est inexplicable. Elle est frappée par un cancer qui l'amène à se questionner sur le sens de la vie.

Remettre les pieds dans cette maison réveille par ailleurs des souvenirs bien enfouis. Notamment la tendresse que Jeanne d'Arc avait pour Clément (Dany Boudreault), un oncle à peine plus âgé qu'elle, disparu sans laisser de traces il y a longtemps déjà. Or, certains personnages croient l'apercevoir dans ce lieu peut-être moins inhabité qu'il n'en avait l'air...

Réviser nos certitudes

L'espérance de vie des éoliennes n'est pas une autre pièce sur la famille, sujet très prisé dans la dramaturgie québécoise. «On ne traite pas de problèmes familiaux», précise Frédéric Blanchette. Sébastien Harrisson se sert des histoires de famille comme toile de fond et, surtout, comme tremplin pour explorer nos certitudes et nos croyances. Pour confronter la foi et la science, notamment.

«Ce que je trouve le plus intéressant, le plus habile dans cette pièce-là, c'est la juxtaposition du rationnel et de l'irrationnel, du présent et du passé, des éoliennes et des croix, souligne Frédéric Blanchette, dont c'est la première mise en scène chez Duceppe. C'est tissé très serré.»

«La pièce parle du besoin qu'a l'être humain de croire en quelque chose, de notre besoin d'espoir», ajoute Danielle Proulx. Antoine croit bien sûr en la science. Son cartésianisme est toutefois remis en question par ce qu'il vivra au contact de Jeanne d'Arc et Liang (Mélodie Lapierre, vue dans Pure laine), une adolescente de 13 ans qui vit un immense chagrin d'amour et qui le confronte au sujet de sa relation avec Laure.

«Ce qui le bloque dans le fait d'avoir un enfant, c'est que c'est la première décision dont il ne maîtrise pas tous les éléments, révèle le metteur en scène. Ça demande quelque chose de l'ordre de l'abandon au mystère et à l'inconnu.

«On se dit tous athée ou non-croyant, mais dès qu'une chose comme la mort ou la maladie frappe, on se tourne facilement vers la religion ou toutes sortes d'autres croyances, renchérit le metteur en scène. La pièce parle de cette ouverture vers une partie de la vie qui nous échappe.»

Danielle Proulx dit d'ailleurs avoir rencontré beaucoup de gens qui, après la mort d'un proche, affirment avoir vécu des événements étranges. Des visions du disparu, l'impression fugace de sa présence. Elle-même a vécu une expérience qu'elle ne s'explique pas au moment du décès de son père.

Que ce soit vrai ou non, flyé ou pas, ne lui semble pas une question capitale. «Qu'est-ce que cela te révèle à toi-même? Qu'est-ce que cela t'offre comme cadeau?» demande-t-elle toutefois. Ce qui compte, c'est ce que cet instant fugitif change en nous. Qu'il contribue à nous ramener dans le sens du vent.

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L'espérance de vie des éoliennes, du 16 décembre au 6 février chez Duceppe.