Après s'être imposé à titre d'habile scripteur scénique et de concepteur d'images évocatrices, Éric Jean a choisi de miser sur la musique et d'écrire avec le corps de ses comédiens. Il affirme ne plus vouloir raconter, mais plutôt faire ressentir. S'adresser aux sens et non pas à l'intellect. Il insiste en montant lui-même sur scène à la fin de Chambre(s), qu'il présente comme son spectacle «le plus personnel» à ce jour.

Le directeur du Quat'Sous joue gros en agissant de la sorte. Il impose à sa dernière création d'être le porte-étendard de son nouveau projet artistique. Il en fait ni plus ni moins un spectacle-manifeste. Et c'est beaucoup demander à une oeuvre particulièrement éclatée, certes ponctuée de bons flashes et de moments forts, mais aussi étonnamment superficielle et pleine de longueurs.

Chambre(s) met en scène sept acteurs qui jouent plus ou moins leur propre rôle. La frontière entre fiction et réalité n'est jamais clairement établie et cela fait partie du jeu. Peu à peu, les acteurs dévoilent des choses. Plusieurs parlent de leur métier de comédien et, par extension, du rapport qu'ils entretiennent avec la réalité.

Quand Évelyne Brochu se présente comme un caméléon, une fille-éponge qui se transforme au contact des autres, c'est amusant. Quand Sylvie Drapeau se demande si elle est plus elle-même sur scène que lorsqu'elle dit bonjour à l'épicerie ou encore quand elle évoque ce moment où, dans sa loge, elle retire le masque du personnage qu'elle vient d'incarner, c'est presque émouvant.

Toutefois, trop souvent, ces confessions s'avèrent banales. Ni vraiment poétique ni vraiment profondes. Et bavardes. On s'étonne d'ailleurs qu'un metteur en scène qui affirme ne plus vouloir «raconter» laisse ses acteurs parler autant pour, finalement, dire si peu. D'autant plus que ces anecdotes imposent un rythme lent qui a pour effet de diluer les tableaux plus physiques et musicaux.

L'intuition qui guide le spectacle n'est pas totalement incohérente: la chambre est à la fois un refuge, un confessionnal, le lieu de tous les rêves, de tous les fantasmes et de toutes les peines. On retrouve un peu de tout ça dans le spectacle à la fois impressionniste et expressionniste d'Éric Jean. Or, lui qui témoignait d'une maîtrise totale des atmosphères dans son spectacle Hippocampe ne réussit pas à faire de cette mosaïque de scènes un tableau envoûtant, choquant, emballant, surprenant ou émouvant.

On ressort, certes, marqué par certaines prouesses physiques (celle d'Alexandre Landry, notamment) et par le jeu de Sacha Samar (dont la présence fuyante est toujours intrigante), mais surtout ennuyé par tous ces segments qui allongent inutilement un spectacle qui n'a pourtant rien d'une oeuvre-fleuve (1 h 40). Chambre(s) a le caractère inabouti des oeuvres de transition.

________________________________________________________________

CHAMBRE(S), jusqu'au 19 décembre au Théâtre de Quat'Sous.