Il faut le prendre bien serré, son double expresso, avant d'aller voir la nouvelle création du Groupe de poésie moderne, De l'impossible retour de Léontine en brassière. C'est qu'il faut avoir de la «fuite dans les idées», comme disait Sol, pour apprécier l'humour absurde et décalé du GPM, qui n'a pas l'habitude d'emprunter les chemins les plus faciles.

De Léontine, il est d'abord question. Il s'agit en effet du personnage que doit interpréter Félixe Ross dans une grande fresque historique sur l'art pictural... montée par le Groupe de poésie moderne, qui se met en scène et se questionne ouvertement sur son propre projet artistique. Mais voilà, la comédienne se fait écarter, parce que trop vieille... Plus rien dans la brassière, pourrait-on dire.

Rapidement, on bascule dans un récit anachronique délirant avec, pour toile de fond, la vie du peintre québécois et automatiste Paul-Émile Borduas (prononcé Borduasse dans la pièce). Et toujours cette blonde Léontine - que Borduas aurait vraiment peint - qui réapparaît sans cesse, interprétée tour à tour et concurremment par les quatre comédiens: Félixe Ross, Benoît Paiement, Christophe Rapin et Christian E. Roy.

Produit à partir de 62 courts textes écrits par Bernard Dion et Benoît Paiement, De Léontine... ne manque pas d'ambition. Plus de 50 personnages y sont évoqués, de Jacques Cartier, qui écrit une lettre improbable au général De Gaulle, à Paul Gauguin, qui se prend un appart au Nunavut (?), en passant par les hauts et les bas de Borduas à Saint-Hilaire, Montréal, New York et Paris, on baigne ici dans un univers hautement loufoque.

Joute oratoire

On retrouve évidemment la signature du GPM, qui nous propose une véritable joute oratoire, faisant usage de toutes les fantaisies de la langue. Du joual au classique, en passant par ces phrases resyntaxées et ces mots inventés (dits ou même chantés), qui font un peu penser à l'univers du bédéiste Mandryka, le spectateur s'en prend plein la tête.

De Léontine..., d'une durée de 1 h 30 sans entracte, est, paraît-il, le fruit de deux ans de travail. Et ça paraît. Admirablement rendue par les quatre acteurs, qui brillent par leur présence et par la parfaite maîtrise du texte, De l'impossible retour de Léontine en brassière nous amène de surprise en surprise, avec beaucoup d'habileté et d'humour.

La mise en scène de Robert Reid nous permet de plonger dans cet univers tordu et sans doute parfois un peu opaque. L'élément de décor principal: un grand écran pivotable (que l'on voit tantôt de face, tantôt de biais) qui permet des jeux d'ombre astucieux et qui sert également à présenter les nombreux tableaux «imaginaires» qui sont évoqués, ceux de Borduas principalement.

Au sortir de cette valse entre fiction et réalité, je ne sais pas si on parvient à faire tous les liens souhaités par les auteurs, que ce soit entre Paul-Émile Borduas et le processus créatif des artistes d'aujourd'hui, ou l'art et sa finalité, ou encore sur le travail de comédien. Les mots font leur chemin, nous bousculent un peu, mais nous divertissent assurément.

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De l'impossible retour de Léontine en brassière, du Groupe de poésie moderne. Au Théâtre d'Aujourd'hui jusqu'au 31 octobre.