Luchini a donné dimanche la première représentation devant un public montréalais de son spectacle littéraire Le point sur Robert, et il était encore sous le charme, hier midi.

«Le metteur en scène m'a dit que c'était une des plus belles représentations, a-t-il dit à la poignée de journalistes venus le voir à l'oeuvre. Ma fille, encore plus méchante, m'a dit: «C'était extra. Ça fait longtemps que je ne t'avais pas vu comme ça.»

Ce spectacle, où des textes denses et exigeants de Roland Barthes, Paul Valéry ou Chrétien de Troyes alternent avec des passages volontairement drôles où Luchini met en scène son rapport avec ces auteurs, n'est pas sans risque.

«Au moment où les spectateurs rient beaucoup, ce qui est un plaisir suprême pour moi, je les ramène, explique Luchini. Le danger, c'est que l'ego qui est sollicité prenne trop de place, mais en même temps ce spectacle ne se passe pas sans l'ego. Ce qui est un peu délicat, c'est que le public a envie de se marrer, sauf à Montréal, où j'ai un plaisir supérieur parce qu'ils sont peut-être encore plus clients de textes. En France, faut que je fasse gaffe: Paul Valéry, ça ne les emballe pas.»

Robert, le véritable prénom de Fabrice Luchini, était dans son spectacle précédent un spectateur perplexe traîné de force au théâtre par sa femme pour entendre des textes d'auteurs pointus.

«J'ai compris que peut-être qu'un acteur a absolument besoin du public pour échapper au dialogue trop véhément entre Robert et Fabrice», nous a dit Luchini, qui, après avoir mesuré son effet, s'est exclamé: «Putain! Comment je peux pondre des trucs comme ça? Ça m'angoisse. Je préférerais presque être un mec pépère qui va au lac le week-end avec sa blonde.»

Coup de coeur québécois

Luchini a déjà dit son coup de coeur pour le Québec quand il s'est installé au TNM à l'été 2006. Hier, il en a remis: «Vous devez en avoir marre d'entendre que les Québécois sont sympas, chaleureux, directs, qu'ils ont un accent formidable. Le Québec, faut pas le réduire, c'est des individus, mais il y a évidemment une chaleur spectaculaire par rapport à la France. Comme dirait Jean Cocteau: qu'est-ce qu'un Français? C'est un Italien de mauvaise humeur.»

Ce n'est donc pas un hasard si Luchini fait un documentaire sur le Québec, «endroit de résistance et presque de militantisme». Un film qui, a-t-il dit (à la blague?), s'intitulera Pourquoi leurs toniques sont si singuliers? et sera réalisé par sa fille Emma: «Elle est talentueuse, elle a fait un court métrage tout à fait remarquable. On va voir si Rozon peut investir un peu financièrement...» L'acteur français adorerait jouer dans un film tourné au Québec mais déplore qu'on ne lui propose que des comédies trop mécaniques. Il aimerait faire ici un film à la Rohmer, ou encore quelque chose comme La discrète avec une Québécoise, «où il y aurait alternance entre les deux langues». La Québécoise en question aurait un accent prononcé et vivrait à la campagne, mais il y aurait aussi dans le décor une «maîtresse super intello à Montréal».

L'instant d'après, Luchini s'est lancé dans une tirade sur Pierre Falardeau, «le seul cinéaste québécois que je connaisse, un peu trop bourgeois, un peu trop commercial». Comme les journalistes se bidonnaient, il en a rajouté: «Arrête d'arrondir tes scénarios, Falardeau, fais des choses provocantes, ouvre-toi! «Et ça s'est terminé par une chanson improvisée, Ô Falardeau, sur l'air de Mamy Blue.

Après 50 minutes d'un tel tourbillon, Fabrice-Robert est descendu dans la salle serrer la pince à tout le monde pendant que Gilbert Rozon suggérait que les journalistes l'aident à convaincre Luchini de venir jouer Le Misanthrope de Molière à Montréal.

N'importe quand.