«C'est plus compliqué que ça, beaucoup plus compliqué», lance Gabriel Arcand au photographe de La Presse, qui lui demande si Blackbird est une histoire de pédophilie. Joué la première fois en 2005 au festival international d'Édimbourg, ce texte du dramaturge écossais David Harrower est l'histoire d'une réconciliation douloureuse entre un homme de 57 ans et une femme de 29 ans. Peut-être qu'ils se sont vraiment aimés. Peut-être qu'il l'a brisée pour toujours. Peut-être...

«Un plaisir de chaque instant. Un véritable bonheur», exprime Gabriel Arcand, lorsque je l'invite à me dire comment se déroule sa collaboration artistique avec la comédienne Catherine-Anne Toupin.

En effet, ils ont intérêt à bien s'entendre, ces deux acteurs qui ne s'étaient jamais rencontrés avant d'être réunis dans un huis clos théâtral porteur d'une lourde charge émotive.

Produite un peu partout dans le monde depuis sa création - dont en Australie, dans une mise en scène de Cate Blanchett - cette pièce dépeint les restes d'une relation avortée. Elle avait 12 ans, il en avait 40. Ils ont été séparés par la morale, par les conventions sociales.

Mais sans les notions de bien et de mal, qui sait s'ils n'auraient pas pu vivre heureux et avoir de nombreux enfants? Voilà une question troublante que Harrower envoie aux spectateurs. Certains sortent de là choqués, indignés par le sujet de la pièce. D'autres sont plus compatissants, suggèrent que peut-être, oui, ils s'aimaient vraiment.

Mais il reste que lui, l'homme, a refait sa vie, a fait de la prison, s'est remarié. Tandis qu'elle est restée à 12 ans. Et elle a besoin de réponses.

«Lui, est passé à autre chose, mais elle n'a pas de vie: à 29 ans, elle vit encore chez ses parents, n'a jamais été capable d'oublier cette histoire», évoque Catherine-Anne Toupin, qui défendra ce rôle de femme en quête de réponses.

Blackbird se déroule dans un milieu modeste, où les regards des autres sont sans pitié. Toupin et Arcand expliquent l'enfer moral dans lequel se trouve enfermée cette jeune femme. Le silence.

La rencontre entre ces deux êtres, 17 ans après la fin de leur liaison, est dépeinte comme un suspense. «C'est hyper bien écrit», soutient Catherine-Anne Toupin, pour qui il s'agit d'une première collaboration avec le groupe La Veillée.

C'est le metteur en scène Téo Spychalski qui a pensé à elle pour défendre cette femme déchirée entre la rancune, le désir, l'amour et un immense besoin de réparation.

Gabriel Arcand précise que la version qui sera présentée au public du Prospero ne sera pas la même que celle du Théâtre de Lyon, qui prendra l'affiche du Théâtre du Nouveau Monde en septembre prochain. «Nous avons fait adapter le texte par Étienne Lepage, pour que l'histoire soit plus ancrée dans le contexte québécois.»

Celle que l'on a vue dans le rôle de Mélissa Briant dans Les hauts et les bas de Sophie Paquin dit adorer travailler dans des contextes et avec des gens différents. «Gabriel est un immense acteur. J'apprends énormément, en travaillant avec lui», affirme la jeune femme, qui s'amuse de la personnalité déstabilisante de son partenaire de scène. «C'est le roi du malaise.»

Gabriel Arcand promet qu'il ira la voir jouer dans la comédie Boeing Boeing, cet été à Juste pour rire. Toupin rétorque qu'elle a l'intention de fonder un duo comique avec le cofondateur de La Veillée. «Moi, je dis toujours des niaiseries. Et lui il ferait mon straight man

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Blackbird, texte de David Harrower, dans une mise en scène de Téo Spychalski, au Théâtre Prospero jusqu'au 23 mai.