Des oiseaux invisibles, on en croise tous les jours. Évidemment, on ne s'en rend jamais compte... C'est comme ça. Il y a des gens qu'on ne remarque pas. Ou qu'on ne veut pas voir. Ou qui ne veulent pas qu'on les voit. Des anonymes. Parfois, ces drôles d'oiseaux cherchent ailleurs un avenir meilleur. Dans une autre école, un autre quartier, un autre pays.

C'est le cas des deux personnages imaginés par l'auteur de La migration des oiseaux invisibles, Jean-Rock Gaudreault. Sinbad est un passager clandestin terré dans un navire à conteneurs. Rat d'eau est un matelot censé débusquer les passagers clandestins sous peine d'être lui-même jeté à l'eau par un capitaine malveillant.La confrontation a lieu dès les premières scènes. La suite est une touchante histoire d'amitié entre deux enfants abandonnés à eux-mêmes. Des mal-aimés qui cherchent à sortir la tête de l'eau. Mais n'allez pas croire qu'il s'agit d'un drame moralisant. Non, plutôt une aventure où l'on sourit franchement, même s'il est clair que ces deux-là «ne l'ont pas eu facile».

Sinbad est «le 13e enfant d'une famille de 12», tandis que Rat d'eau, sans père ni mère, est l'esclave du vil capitaine du navire. Ensemble, ils uniront leurs destinées. Et feront le grand saut dans l'inconnu. Avec courage et humour. Présentée aux Coups de théâtre en novembre, cette pièce percutante sera présentée dans cinq villes de France au mois de mars.

Sur la scène de la Maison Théâtre, d'immenses conteneurs servent de décor. Avec une passerelle au premier plan. Face à nous, on imagine bien le navire qui vogue en mer. Et comme dans toute bonne aventure, la destination est secondaire, c'est le voyage qui importe. Un voyage qui marque un tournant pour ces jeunes clandestins. Comme le dit Sinbad, le début n'est pas important, c'est la fin qui compte. Lire: même si on a connu un mauvais départ dans la vie, il est possible de trouver un ailleurs meilleur.

Marie-Josée Forget et Marilyn Perreault, qui interprètent les rôles de Sinbad et Rat d'eau, sont toutes deux excellentes. Et particulièrement brillantes dans leurs silences. Dans ces moments-clés qui relient les répliques entre elles et qui magnifient habilement les craintes et les espoirs de nos deux clandestins.

La mise en scène de Jacinthe Potvin, qui en est à sa cinquième collaboration avec Jean-Rock Gaudreault, est assez épurée et laisse toute la place au texte, qui résonne très fort dans une langue claire. Il n'y a donc rien de superflu, rien qui nous distrait de l'aventure de nos deux héros. En dépit de la confusion du début, le récit s'éclaircit rapidement et se transforme en vrai suspense. Jacinthe Potvin a eu la bonne idée de confier ces rôles «typiquement masculins» à deux filles.

En entrevue il y a quelques semaines, l'auteur Jean-Rock Gaudreault, avouait qu'il rêvait d'écrire une histoire universelle, une oeuvre accessible à tous, appréciée tant de l'enfant que du professeur de littérature... Vendredi soir dernier, j'avais l'impression que La migration..., avait atteint son but.

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La migration des oiseaux invisibles, de la compagnie Mathieu, François et les autres... À la Maison Théâtre jusqu'au 14 février. Pour les jeunes de 8 à 12 ans.