Il s'appelle Philippe Petit. Il était funambule. Il est devenu une star en 1974, en tendant son fil entre les deux gratte-ciel du défunt World Trade Center. Contrairement aux tours jumelles, Petit a survécu à sa balade de 45 minutes, qui a été qualifiée de «crime artistique du siècle.»

Il paraît qu'un état de grâce s'installait chaque fois qu'il exécutait une de ses performances célestes. C'est ce que nous apprend le documentaire Man on Wire (paru récemment en DVD) sur la vie et l'oeuvre de ce téméraire escaladeur de nuages.

 

Elles imposent le respect, ces âmes courageuses qui se lancent dans le vide sans trop songer aux risques de se casser la gueule. Prenez Louise Marleau, qui reprend La femme française et les étoiles à l'Espace Libre, spectacle créé il y a 10 ans par Omnibus par Jean Asselin et Marie Lefebvre. On peut réagir négativement à la scénographie inutilement chargée ou à la rencontre maladroite entre le mime et la forme épistolaire.

Or, le jeu audacieux de Louise Marleau vaut à lui seul une visite à Espace Libre. Qu'avait-elle à gagner, la dame, de se mettre ainsi à nu, dans une proposition qui lui demande de plonger aveuglément dans un genre qu'elle ne maîtrise pas? Elle carbure à ces projets casse-gueule qui l'obligent à se mettre en danger.

J'ai eu la même impression, en assistant à la prestation dansée de Juliette Binoche dans In-I. Les puristes ont peut-être raison de trouver injuste qu'une tête d'affiche célébrissime qui décide de faire des steppettes remplisse les salles, faisant ombrage aux danseurs contemporains qui tirent le diable par la queue.

On ne peut pas dire qu'Akram Khan révolutionne son art, avec cette pièce jolie et correctement exécutée, mais surtout inclassable. Au-delà de la chorégraphie, il y a le courage d'une grande actrice qui plonge dans le vide. Pas pour la notoriété, pour enjôler ses fans, ni pour attirer sur elle les regards des réalisateurs. Elle n'avait rien à prouver et tout à perdre, la Binoche. Seulement voilà: il y a des artistes, comme cela, qui ont besoin de marcher sur un fil, sans filet.

Sans cela, ils s'éteignent.

La salle ne fait pas le spectacle

Des plateformes hydrauliques. Des sièges escamotables. Un lieu au design aussi raffiné que la technologie est sophistiquée.

Daniel Langlois aura ouvert son palace aux modestes cinéphiles pendant 10 ans. Ce qui est déjà ça de pris. Et maintenant, il met la clé dans la serrure et rêve de plus haut, de plus loin, de performances multimédias...

Pardonnez-moi de mélanger pommes et oranges, mais je trouve qu'il y a quelque chose d'indécent dans ce virage vocationnel d'Ex-Centris, à l'heure où La Licorne ne sait pas quand elle aura les moyens d'agrandir ses lieux et où le Quat'Sous peine à terminer sa reconstruction.

C'est son palace, c'est son fric, il peut bien en faire ce qu'il veut. Mais bien franchement, j'ai très hâte d'en savoir davantage sur ces fameux spectacles multimédias qui existeront par et pour la sophistication des salles d'Ex-Centris.

Le faste des lieux aura eu raison du contenu. Quelle tristesse.