Ça sent la fin de saison, en théâtre. Un automne qui aura été celui de la révolte contre les coupes en culture du gouvernement Harper. Avec, en ouverture de chaque représentation théâtrale, les voix de Lorraine Pintal, Marie-Thérèse Fortin, Ginette Noiseux et les autres, décriant les programmes d'aide aux tournées.

Il y a d'abord eu les craintes des artistes. Et voilà que la semaine dernière, les peurs se sont transformées en scénarios réels. Un sondage réalisé par CINARS (Conférence internationale des arts de la scène) laisse présager le pire pour le rayonnement à l'étranger de nos artistes de la scène.

 

Le Cirque Éloize - qui a si magnifiquement ouvert la saison du TNM, faisant la preuve que les frontières sont de plus en plus floues entre les genres - a vu ses revenus chuter de 700 000$ en raison de l'annulation possible de 30 spectacles. Le tandem Michel Lemieux et Victor Pilon entrevoit aussi des pertes de 400 000$ en revenus. Dulcinée Langfelder, une artiste qui existe par et pour la tournée, est obligée de mettre 25 spectacles en sursis. Et pendant ce temps, CINARS fait découvrir à des diffuseurs de 40 pays les talents d'ici et d'ailleurs. Mais à quoi bon se donner en spectacle devant la visite si on n'a pas les moyens de se faire inviter?

Deux points de vue sur la marginalité

Deux spectacles qui proposent des visions opposées du concept de marginalité arrivent cette semaine en salle. À Jean-Claude Germain, la jeune auteure Marcelle Dubois met en scène son texte Jam Pack, une métaphore de l'artiste (ou du marginal) qui s'isole dans son île pour résister contre l'assimilation du monde extérieur. Une posture qui, ultimement, l'empêche d'entrer en relation avec les autres.

Le Quat'Sous, qui devra attendre mars 2009 pour prendre possession de son nouveau théâtre, amorce quant à lui sa saison avec un collage de textes qui recrée le Paris de 1937. Celui d'Anaïs Nin, Henry et June Miller, Antonin Artaud. Le directeur artistique du Quat'Sous, Éric Jean, avait programmé Opium_37 pour baptiser les nouveaux lieux. La parole des marginaux, des artistes, a-t-elle aujourd'hui la même force que dans les années 30? Peut-on même se revendiquer d'une marginalité? Éric Jean lance ces questions, alors qu'il s'apprête à réinventer le Quat'Sous en l'ouvrant sur une plus grande interdisciplinarité et peut-être sur de nouveaux publics.

Deux façons de parler d'un même malaise. Un début de réponse à ceux qui confronteraient «artistes» et «monde ordinaire».

Parlant d'interdisciplinarité...

De retour de New York, où j'ai assisté aux répétitions précédant la première de La damnation de Faust, imaginé par Robert Lepage (qui est présenté cet après-midi au cinéma), j'ai été désolée d'apprendre que le spectacle d'ouverture de Montréal en lumière, un opéra signé François Girard, ne verrait pas le jour.

Tout comme le directeur d'Ex Machina, François Girard fait sa marque dans le monde de l'art lyrique en Europe, mais ses opéras n'ont jamais été vus ici. J'imagine que les Montréalais devront patienter pour découvrir l'opéra du XXIe siècle, qui se nourrit d'interdisciplinarité. «L'art total», selon Robert Lepage. Un rendez-vous raté.

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