L'automne arrive à La Licorne avec deux pièces de l'Ontarien Mansel Robinson, traduites par Jean Marc Dalpé. Trains fantômes et Slague, l'histoire d'un mineur, sont deux solos ancrés dans la réalité de la classe ouvrière. Le premier (joué par Frédéric Blanchette) est l'histoire d'un fils de cheminot, tandis que le second (défendu par Dalpé) parle de la rudesse du travail dans les mines. Une voix du Nord à la fois poétique et théâtrale.

Je rencontre Jean Marc Dalpé dans un café non loin de La Licorne. Ce qui frappe en premier chez cet artiste dont l'accent trahit légèrement ses origines franco-ontariennes, c'est sa désarmante simplicité et sa bonhomie naturelle. Absolument rien de prétentieux ou de précieux n'émane de cet acteur, auteur, traducteur et metteur en scène au look de dur à cuire.Pour m'expliquer qui est Mansel Robinson (l'auteur de Trains fantômes et Slague ), Dalpé évoque d'abord Chapleau, un bled «très loin et très isolé, entre Timmins et le lac Supérieur.» «La moitié de la population de Chapleau (environ 10 000 habitants) travaillait pour les chemins de fer, tandis que l'autre travaillait dans les mines.»

Même s'ils ont le même âge et ont frayé dans le même circuit théâtral, Dalpé et Robinson ne s'étaient jamais rencontrés. «À l'époque où j'étais à Sudbury, il était déjà parti. Mais il a travaillé à Montréal, il a travaillé pour ma blonde à Ottawa, on aurait pu se croiser...»

Mais le destin a voulu que ce soit par l'écriture que Dalpé rencontre Robinson. C'est par le recueil Rock'n Rail que l'auteur d'Août, un repas à la campagne et de la série télé Temps durs s'est initié à l'univers rugueux et caustique de Robinson. «Sa voix est forgée par l'expérience de la classe ouvrière», souligne Dalpé, qui décrit le travail de Robinson comme une «écriture qui a beaucoup de coeur, un regard empathique sur ses personnages qui n'est pas un portrait idéalisé et une parole d'homme très forte.»

Au nom du père et du fils

Trains fantômes et Slague , qui se succéderont sur la scène de La Licorne, sont deux pièces qui, selon Dalpé, «se complètent mais ne se répondent pas vraiment.» Le personnage de Trains fantômes parle de sa parenté, du souvenir des chemins de fer des années 50. Tandis que Slague est l'histoire d'un ouvrier qui a perdu l'usage de ses jambes, après avoir été enseveli dans la mine.

Jean Marc Dalpé insiste sur la poésie théâtrale de la langue de Mansel Robinson. Celui qui participera au spectacle D'un pays qui pousse dans le nord, dans le cadre du Festival international de littérature, évoque aussi la nécessité de dire la réalité des francophones du Québec et de l'Amérique du Nord.

«C'est comme si on était des régions éloignées du même pays. La grande région de Sudbury, le Nord de l'Ontario, la péninsule acadienne, Shédiac, autour de Lafayette, en Louisiane, participent tous à cette réalité-là, qui est l'Amérique française. C'est pareil pour les Québécois, par rapport au reste du Canada ou encore les nouvelles générations de nouveaux arrivants, comme la communauté éthiopienne de Toronto.»

Même s'il reconnaît que les scènes de théâtre de Montréal tardent à refléter cette diversité culturelle, Jean Marc Dalpé pense que les choses ne tarderont pas à changer. «Je regarde les étudiants qui sortent des écoles de théâtre et je vois un peu de couleur. O.K., on n'est pas encore là, mais c'est en train de se transformer. Je suis assez optimiste.»

Trains fantômes de Mansel Robinson, du 2 au 6 septembre et Slague, l'histoire d'un mineur, du même auteur, du 9 au 13 septembre à La Licorne.