Une collègue s'étonnait récemment qu'un groupe d'amis gais puissent organiser une soirée, comme le réveillon du Nouvel An, uniquement entre eux.

«Tu sais, il arrive qu'une fois de temps en temps, les gais aient envie de vivre et de ressentir ce que les hétéros connaissent à longueur d'année», lui ai-je dit avec un sourire. Elle a tout compris. Elle a compris que les gais ont parfois envie de sortir de cet état minoritaire dans lequel ils sont continuellement plongés.

Même si le Québec demeure un endroit extrêmement ouvert par rapport à d'autres sociétés et qu'il fait oublier cet état minoritaire, il reste que cela peut parfois peser lourd. Imaginez un instant ce que représente le fait d'être gai et Noir. Vous êtes alors une minorité marginalisée. Vous êtes la demie du quart du pourcentage de la population. Et vous savez que durant toute votre vie, vous aurez à prendre votre place en faisant partie de cette fraction.

Entre théâtre, danse et spoken word

Cette réalité dont on parle peu est mise en évidence dans le spectacle Black Boys qui, après une création à Toronto il y a deux ans et des représentations à Vancouver et Calgary, s'arrête enfin à Montréal. Créée à partir des principes de l'improvisation, cette coproduction de Buddies in Bad Times et de Saga Collectif - deux compagnies de Toronto - greffe au théâtre la présence de la danse et du spoken word.

Le spectacle, qui récolte d'excellentes critiques partout sur son passage, met en vedette Stephen Jackman-Torkoff, Tawiah Ben-Eben McCarthy et Thomas Olajide.

«Nous avons commencé à travailler à ce spectacle en 2013, m'a raconté Stephen Jackman-Torkoff. Nous avions envie de montrer quelque chose qu'on ne voyait pas sur scène. Nous avions surtout envie de raconter des histoires qu'on n'entendait pas.»

«Ce spectacle, c'est finalement l'histoire de gens qui voulaient travailler ensemble et voir ce que ça allait donner», explique Stephen Jackman-Torkoff.

Il faut croire qu'une bonne dose de talent s'est greffée à cette envie, car le résultat est, de l'avis de ceux qui ont vu le spectacle, absolument renversant. «Je crois qu'il était essentiel de parler de cette réalité aux Canadiens, particulièrement aux Torontois.»

Sous-représentation au théâtre

Je demande à Stephen Jackman-Torkoff s'il fait référence aux divers coups d'éclat faits par le mouvement Black Lives Matter dans la Ville Reine depuis quelques années. (En 2016, le groupe a stoppé le défilé de Pride Toronto durant près d'une heure en guise de protestation. Le groupe demandait, entre autres, d'exclure la présence policière du défilé, de consacrer une scène aux membres de la communauté LGBTQ d'Asie du Sud et de rendre les festivités plus accessibles aux malentendants et non-voyants. En juillet dernier, la police de Toronto a continué d'assurer la sécurité, mais les policiers homosexuels ont renoncé à avoir un char allégorique.)

«Nous ne sommes pas reliés directement à ce groupe, je n'en fais pas partie, mais je suis d'accord avec ce qu'ils font. Je crois que c'est nécessaire et important», dit Stephen Jackman-Torkoff.

Ce dernier déplore par ailleurs la sous-représentation des Noirs au théâtre et, particulièrement, celle des Noirs homosexuels. «Il est important que les Noirs queer se manifestent davantage», dit-il.

Stephen Jackman-Torkoff est très excité à l'idée de venir présenter le spectacle aux Montréalais. «J'ai vécu à Montréal pendant quelques années. J'y ai fait des études. Montréal est une ville très cool, très ouverte.»

Après No Strings (Attached) la saison dernière, Espace Libre invite cette production de Buddies in Bad Times, théâtre qui a pour mission de remettre en question les normes sexuelles et culturelles, en codiffusion avec le Black Theatre Workshop.

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À Espace Libre, du 13 au 17 février. En anglais avec surtitres en français.

Photo Jeremy Mimnagh, fournie par Espace libre

Tawiah Ben-Eben McCarthy, Thomas Olajide et Stephen Jackman-Torkoff dans Black Boys