Un passage du nouveau spectacle de Guy Nantel où il est question de « la fille qui a couché avec le libéral Souvlaki » ne plaît pas à Alice Paquet, qui accuse l'humoriste de banaliser les violences sexuelles.

La jeune femme, qui soutient avoir été agressée sexuellement par le député Gerry Sklavounos, a publié hier un message sur sa page Facebook. Elle y dénonce « la misogynie éhontée de Nantel », lequel s'est rapidement défendu dans un long message où il nie faire l'apologie des agressions sexuelles.

« Nantel réfère à moi comme "la fille qui aurait couché avec le ministre Libéral, le Grec". D'entrée de jeu : je n'ai pas couché avec Gerry Sklavounos. Il m'a agressée sexuellement. »

« Si Nantel ose faire des blagues sur ma situation, sur la nuit terrorisante que j'ai vécue en juin 2015, et sur l'horreur que j'ai vécue après la dénonciation, il pourrait au moins nommer clairement ce qui a eu lieu ce soir-là, et avoir la décence de me nommer correctement : Alice Paquet », poursuit-elle.

Au printemps 2016, la jeune femme avait déclaré avoir été agressée sexuellement par le député Gerry Sklavounos. Mme Paquet a porté plainte à la police. Après avoir étudié le dossier, le Directeur des poursuites criminelles et pénales (DPCP) a finalement décidé de ne pas déposer d'accusations contre M. Sklavounos.

Le nouveau spectacle de Guy Nantel, présenté à Québec depuis mardi, comporte un long numéro sur la notion de consentement et sur la culture du viol. C'est dans ce segment qu'il parle de Mme Paquet, sans jamais la nommer.

« Quand la fille avait couché avec le ministre [sic] libéral, me souviens plus de son nom, le Grec, Souvlaki, là. Culture du viol, culture du viol ! Voyons, 99,9 % des gars sont contre ça, on veut tous qu'ils croupissent en prison, les débiles qui agressent les filles. Mais là, c'est rendu que ça prend le consentement de la fille à chaque étape de la relation. On s'entend que c'est un petit peu gossant d'aller baiser chez le notaire. »

Un peu plus tard, Guy Nantel reparle de Mme Paquet. « Lâchez-moi ça, culture du viol ! Là, on a appris que la fille aurait été prostituée avant ça. Les féministes radicales disaient "culture du viol, ç'a pas rapport dans l'histoire". Mets-en que ç'a rapport », lance l'humoriste sur scène.

« On n'est pas en train de dire que c'est correct de violer une prostituée, mais quand on parle de consentement sexuel, le bout où ça pourrait être l'emploi de la fille de coucher avec le monsieur a quand même rapport dans l'histoire. C'est comme apprendre que mon chum a mangé une volée dans un bar, tu vas capoter. Mais si mon chum, c'est le doorman de ce bar-là, on va s'entendre que son emploi l'expose un peu plus aux claques sur la gueule. »

Alice Paquet estime que de tels propos, tenus par un humoriste de renom, arrivent au pire des moments. « Dans les dernières semaines, des milliers - des millions ? - de femmes ont utilisé le #MoiAussi/#MeToo pour dénoncer les violences sexuelles dont elles ont été victimes et tout ce que Guy Nantel a trouvé à faire, c'est de rire d'elles ? »

Nantel réagit

Guy Nantel s'est défendu sur sa page Facebook hier, quelques heures seulement après la sortie de la jeune femme. L'humoriste dit refuser « de [se] laisser intimider par ceux qui souhaitent [le] faire taire au nom du bon goût en humour ».

« Madame Paquet souhaite vivement me dépeindre comme un mononque sexiste issu des années 50, une brute qui se fiche du fait que des femmes se fassent violer, écrit-il. Il importe de spécifier que j'ai été le deuxième humoriste (après Guillaume Wagner) à faire une sortie publique dans les médias pour dénoncer les gestes ignobles de Gilbert Rozon et que j'ai vivement critiqué Lise Payette pour son intervention honteuse dans le dossier Michel Venne. »

Guy Nantel jure que ses propos ne sont pas à prendre au premier degré.

« Tout le monde qui fait preuve d'un minimum d'intelligence est assez raisonnable pour comprendre qu'on est dans la fiction, dans le personnage, dans la caricature, dans le second, voire le troisième degré. » 

L'humoriste refuse de modifier son spectacle, et se dit même prêt à affronter Mme Paquet devant les tribunaux. Une poursuite, selon lui, ne ferait que « gonfler la publicité du spectacle ».

Le commentaire d'un internaute, sur la page Facebook de Nantel, est intéressant à cet effet. L'homme y écrit : « Je t'aimais pas depuis quelques années mais avec ton gag sur Alice Paquet, j'ai pas pu résister d'acheter un billet. »

Guy Nantel a pris le temps de lui répondre : « C'est bien ce que je prédisais », agrémenté d'un bonhomme sourire.

Au printemps 2016, Guy Nantel avait crié à la censure quand un sketch coécrit avec Mike Ward avait été retiré du gala Les Olivier. La décision avait été prise à la recommandation de l'avocat de l'entreprise qui assure le gala.

« J'en appelle au bon sens de chacun. Pour le reste, mon producteur et moi-même sommes prêts à nous défendre car en aucun cas, ce spectacle ne diffame qui que ce soit, écrit Guy Nantel. Les faits rapportés sont réels et c'est avec cette matière première que je fais tous mes spectacles. »

Extraits de Nos droits et libertés de Guy Nantel

« Un musulman peut en marier trois, quatre. Elles sont toutes soumises, c'est lui le boss. Mais ici on a perdu complètement le contrôle de la situation. Ici, tu rencontres une fille que tu ne connais pas : "Eille, j'ai pas donné mon consentement !" Fuck you, estie. C'est insupportable, les histoires de culture du viol. On se fait tous accuser d'affaires qu'on n'a pas faites. »

« Ça vient voir un show sur la liberté d'expression, ça veut que l'artiste se la ferme à la première contrariété. Ça, c'est assez féminin comme comportement [...] 95 % des courriels haineux qu'on reçoit, ça vient de femmes, qui sont pas capables de comprendre le concept d'une joke. Elles sont pas rendues à ce stade-là de l'évolution. »

« Quand t'es humoriste, c'est insupportable, une génération comme ça. Tu les croises sur la rue : "Eille, fais pas de jokes sur les femmes, fais pas de jokes sur les gais, fais pas de jokes sur les petits handicapés qui chantent comme un chaudron". J'ai pas nommé personne. Cessez vos jérémiades. »

photo Jean-Marie Villeneuve, le soleil 

Guy Nantel présente à Québec son spectacle Nos droits et libertés.