Et que ça perce. Et que ça visse. Et que ça cloue. Il y a de la poussière partout et beaucoup de bruit, ce jour-là, quand on visite le théâtre Le 13ème art, à Paris. À voir les échafaudages, l'endroit semble loin d'être prêt pour l'ouverture officielle, qui a lieu aujourd'hui.

Mais Gilbert Rozon, lui, n'a pas l'air de s'en inquiéter.

À 62 ans, le grand patron de Juste pour rire (JPR) a sans doute déjà vu pire. Portant un blouson flamboyant que n'aurait pas renié Bruce Lee, il se promène, souriant, entre les banquettes et les gars de la construction, fier de cette salle flambant neuve située place d'Italie, en plein coeur du 13e arrondissement.

«Tu as vu la courbe de la salle? Et la scène? Les premiers spectateurs vont avoir les artistes dans la face», dit-il en caressant amoureusement les sièges, encore recouverts de plastique.

Si l'occasion fait le larron, Rozon peut être fier de son coup. L'exploitation d'une salle parisienne ne faisait pas spécialement partie de ses plans. Mais quand Olivier Peyronnaud, directeur de la filiale française de Juste pour rire, lui a parlé de cet ancien cinéma situé dans un centre commercial, il n'a pas hésité très longtemps.

«C'était une opportunité de positionner Juste pour rire différemment à Paris. Ça donne un ancrage au niveau de l'image, du prestige. Et puis, d'avoir un théâtre à Paris, c'est un actif.»

Comptant deux salles de 900 et 150 places, un restaurant et un studio télé, Le 13ème art fera partie des douze plus grands théâtres parisiens et sera le plus grand de la rive gauche. Le plus neuf aussi, puisqu'il a été refait de A à Z, d'où les gros travaux en cours lors de notre visite.

Le lieu sera exploité par JPR en France. On y verra forcément des spectacles d'humour, et forcément des productions JPR, «mais pas seulement», souligne Olivier Peyronnaud en vantant «l'éclectisme» d'une programmation qui se veut à la fois «populaire et artistiquement crédible».

Après le gala d'ouverture, présenté demain par l'écurie française de Juste pour rire (Rachid Badouri en tête), défileront ainsi Gérard Depardieu et l'Orchestre philharmonique de Prague (pour Le carnaval des animaux, de Saint-Saëns!), des représentations théâtrales du Misanthrope, de La cantatrice chauve, des shows de danse, d'arts électroniques et même l'irremplaçable Anne Sylvestre, qui fait un retour sur scène attendu à l'âge de 83 ans.

Peyronnaud ne s'en cache pas: les Québécois auront aussi leur part du gâteau. «C'est naturel de regarder de ce côté», dit-il.

Rozon, pour sa part, admet que la salle «facilitera la venue de nos artistes à Paris». Sans qu'il y ait pour autant de passe-droits: ceux-ci, dit-il, «seront soumis aux mêmes critères de qualité» que tous les autres.

Outre le Cirque Éloize, qui doit camper dans la grande salle pendant la presque totalité du mois d'octobre, la petite salle accueillera notamment l'humoriste Roman Frayssinet, une version reformatée du Zoofest et un spectacle solo de Gilbert Rozon en personne.

Rappelons que ce dernier n'est pas un inconnu en France, où il fut notamment membre du jury à l'émission La France a un incroyable talent sur la chaîne M6. Et invité, samedi dernier, à l'émission On n'est pas couché, le grand succès de France 2 animé par Laurent Ruquier.

Nouvelle antenne, donc, pour l'empire Juste pour rire, qui rayonne depuis longtemps au-delà des frontières du Québec. Outre Paris, où elle est plus enracinée que jamais, l'entreprise compte actuellement des bureaux à Londres, Toronto, Vancouver et Bruxelles. Une vision qui s'agrandit, un territoire aussi.

Pas fatigué, le Gilbert? Que nenni! «Il n'y a pas d'âge pour construire, conclut-il, presque philosophe. Le plaisir, c'est de construire...»