Des commentateurs et blogueurs haïtiens ont été choqués par des blagues de Rachid Badouri lors d'un spectacle présenté dans un hôtel chic sur les hauteurs de la capitale haïtienne, vendredi et samedi derniers. Invité d'honneur d'un nouveau festival d'humour haïtien, le Québécois a, entre autres, plaisanté aux dépens de deux politiciens locaux, dont un célèbre sénateur de l'opposition.

«Chien de garde de la bourgeoisie», a commenté un internaute haïtien dimanche, à la suite du spectacle de Rachid Badouri présenté la veille à l'hôtel Karibe de Pétion-Ville. Un blogueur a aussi qualifié le Montréalais de «comique-fossoyeur d'un clivage social». Certaines critiques ont également souligné qu'il avait la même couleur de peau que les Haïtiens de l'élite économique, souvent plus métissés et pâles que la majorité de la population.

D'un ouragan à Ben Laden

Durant ces spectacles, Rachid Badouri a ainsi suggéré qu'on devrait donner des noms plus épeurants aux ouragans, comme Ben Laden et El Chapo, pour ensuite suggérer le nom du sénateur haïtien Don Kato. Mardi dernier, ce sénateur de l'opposition avait fait un geste d'éclat en déchirant le budget du gouvernement en pleine séance parlementaire. Badouri a ensuite affirmé qu'un ouragan portant ce nom allait «déchirer» tout sur son passage.

Badouri s'est aussi amusé du mauvais français d'un autre sénateur dont c'est la deuxième langue. Ce dernier avait accordé une entrevue malhabile à la radio française RFI, le printemps dernier. Souligner une mauvaise maîtrise du français, parlé par une minorité en Haïti, sert parfois à dénigrer des gens moins instruits.

L'humoriste a également qualifié le nom de l'ouragan Jose comme étant celui d'une «tapette» («masisi» en créole), imitant du même coup une démarche efféminée sur scène, peut-être sans savoir que le Sénat haïtien a voté un projet de loi anti-gais, le mois dernier.

À la défense de Badouri

Face à ces critiques, plusieurs internautes et personnalités publiques se sont portés à la défense de l'humoriste, qui en était à sa troisième série de spectacles en trois voyages en Haïti. Badouri est déjà une célébrité à Port-au-Prince, et plusieurs humoristes haïtiens de la relève ont profité de son soutien au fil des ans.

«Rachid n'a absolument pas attaqué qui que ce soit», lance Marie Ngomesika, qui a assisté au spectacle de vendredi, en entrevue avec La Presse. Elle explique avoir eu des appréhensions avant de s'y rendre en raison du prix élevé du billet, mais ses craintes se sont vite dissipées.

«Il fait des blagues, c'est un humoriste, un point, c'est tout.»

Des excuses

Dimanche, l'humoriste s'est dit plusieurs fois «désolé» sur Twitter d'avoir offensé des gens.

«L'excuse a été faite par sensibilité face à une communauté qui n'est pas la sienne», explique l'agent de l'artiste, Steve Razier, joint par La Presse à Montréal.

«La blague [sur le sénateur Don Kato] n'était pas de mauvais goût »

Selon M. Razier, les critiques sont le fait «d'une minorité» et Badouri a fait un bon coup en s'adaptant à l'actualité haïtienne.

Ce sont d'ailleurs deux humoristes haïtiennes qui sont les auteures de la majorité de ses blagues sur Haïti, a-t-on appris dimanche. «Nous n'avions aucune [...] volonté d'orienter dans un sens ou dans un autre le discours du comédien sur Haïti», a fait savoir le duo sur les réseaux sociaux.