Accent britannique et causticité ciblée, l'Anglais John Oliver est devenu l'humoriste politique le plus populaire de la télévision américaine, et entend plus que jamais tester les limites de la liberté d'expression avec, entre autres cibles, Donald Trump et Marine Le Pen.

Déjà primée à quatre reprises aux Emmy Awards, les trophées de la télévision américaine, son émission Last Week Tonight entame dimanche sa quatrième saison sur la chaîne câblée américaine HBO et sera visible en France à partir de la mi-février sur OCS City, génération HBO.

Mieux qu'aucun autre, probablement, cet Anglais de 39 ans s'inscrit dans la lignée de Jon Stewart, l'humoriste qui a transformé l'humour politique aux États-Unis avant de raccrocher en 2015. C'est lui qui a révélé John Oliver dans son émission The Daily Show.

Entre 2006 et 2014, ce trublion à la coupe de rockeur anglais (qu'il a abandonnée depuis) promène son micro, son indéfectible costume sombre et son air tantôt candide, tantôt impertinent, à travers les États-Unis.

John Oliver n'est pas dans l'humour gratuit ou la pochade. Ses attaques sont ciblées et documentées, pour plus d'efficacité.

Depuis son passage en 2014 sur HBO, ses saillies verbales, mais aussi son travail de fond sur des sujets ardus comme les crédits automobiles, les écoles privées sous contrat ou le gaspillage alimentaire, en ont fait une voix qui compte et il entend bien s'en servir.

Donald Trump le candidat faisait partie de ses cibles préférées. Le président du même nom va aussi en prendre pour son grade.

«L'an dernier, ça a été difficile», confiait-il lors d'une récente rencontre avec des journalistes à New York. «Normalement, pour faire de l'humour, vous prenez quelque chose de sérieux et vous en faîtes quelque chose d'idiot. Mais quand cela paraît stupide dès le départ, comment montrer que c'est plus important que ça en a l'air? C'était tout le problème».

«Cette année», dit-il, «je suis sûr que ça va être difficile aussi, mais de manière différente».

Comme il l'a fait la saison dernière, en ne consacrant que huit de ses 30 émissions à Donald Trump ou à l'élection présidentielle, John Oliver refuse pourtant d'être «aspiré sur le créneau facile du tout Trump».

«Nous avons travaillé sur des sujets qui n'avaient rien à voir avec l'administration Trump», annonce-t-il. Pour autant, il existe souvent un lien, même ténu, «car la solution à tout problème potentiel passe par la Maison-Blanche», reconnaît-il.

«Chercher la limite»

Comme il l'a fait la saison dernière, avec la crise brésilienne ou le Brexit, entre autres, le Britannique entend ainsi évoquer l'actualité étrangère, notamment l'élection présidentielle en France.

Outre l'hologramme de Jean-Luc Mélenchon, qui l'a beaucoup impressionné, il dit vouloir parler au public américain de Marine Le Pen. «Je ne pense pas que les gens (aux États-Unis) comprennent ce que ce nom signifie», explique-t-il.

S'il ne cache pas pencher plutôt à gauche, il veut croire que la rigueur de son approche peut séduire au-delà de son public naturel, essentiellement démocrate.

Il assure qu'un sujet sur les saisies policières abusives, par exemple, a bénéficié de nombreux commentaires positifs sur des sites conservateurs.

«Ils ne peuvent pas dire que c'est faux au niveau factuel», souligne-t-il, «mais ils peuvent tout à fait ne pas être d'accord avec ma conclusion».

Son travail a souvent été comparé à du journalisme, même si lui insiste qu'il n'en a pas «les compétences».

«Notre émission ne pourrait pas exister sans le travail des journalistes», martèle-t-il, principalement les reporters de presse écrite et leurs investigations.

Il sait que la liberté d'expression garantie par la Constitution américaine et l'absence de publicité sur HBO lui offrent un terrain de jeu formidable.

«Je ne prends pas ça à la légère, ce qui veut dire que je vais m'en servir, merde», promet-il à l'orée de cette nouvelle saison.

«Je vais continuer à chercher les limites. On est déjà allé bien au-delà de ce qui peut sembler acceptable (...) et pourtant ils (HBO) n'ont rien dit», conclut-il.