Pierre Hébert n'osait plus se mettre en danger. Dans la trentaine, l'homme marié avec enfants vivait confortablement. Un peu trop, peut-être. Un thème qui lui a donné envie de créer un deuxième spectacle solo: Le goût du risque, dont la première montréalaise aura lieu ce soir au Théâtre St-Denis.

«J'étais devant ma télé et une personnalité disait qu'elle voulait prendre des risques. Ça m'est rentré dedans, parce que j'étais dans une période où je n'en prenais plus, des risques. Ma carrière était un peu plus établie, je faisais les mêmes choses, avec les mêmes personnes, au même endroit. Ma fille était toute jeune et je me disais: ce n'est pas ce que je veux lui montrer», confie Pierre Hébert.

Des décisions risquées, il en a souvent pris. L'une des plus mémorables est sans doute été celle d'embrasser la carrière d'humoriste. Il s'apprêtait alors à commencer son doctorat en psychologie, mais coup de théâtre, la femme en qui il voyait la mère de ses enfants l'a quitté.

«C'était ma première peine d'amour et c'était épouvantable. Pathétique. Tu sais, quand même tes amis te fuient un peu, parce qu'ils ne sont plus capables, dit-il en souriant. Il y avait un service de psychologie à l'Université de Sherbrooke où j'ai rencontré une psychologue. Elle m'a demandé ce que je trouvais le plus dur et j'ai répondu que je n'avais plus rien devant moi. Et elle m'a dit une phrase qui m'a marqué: "Vois le contraire. Tu as une page blanche et tu peux tout faire."»

Il faut croire que Pierre est un élève studieux, puisqu'il a suivi scrupuleusement ce conseil de la psychologue. Sans le dire à personne, il s'est inscrit aux auditions de l'École nationale de l'humour (ENH).

«J'ai vu mon père et ma mère changer de carrière. Je les ai vus prendre ce risque. C'était mon tour.»

L'humoriste ne prend toutefois aucun risque vestimentaire: il s'habille de la même manière pour toutes les entrevues qu'il donne sur ce nouveau spectacle.

Diplômé de l'ENH depuis 12 ans, Pierre Hébert a présenté un premier spectacle solo en 2011, a fait de multiples apparitions télévisuelles, notamment à Un gars le soir, et, surtout, il a conquis les jeunes dans VRAK la vie, émission diffusée de 2009 à 2015.

«J'étais plus à l'aise financièrement, ma carrière allait bien et j'ai recommencé à dormir sur mes lauriers. Je me suis dit: non, non, non. Il ne faut pas.»

Il poursuit: «Si j'avais fait une saison de plus de VRAK la vie, je l'aurais fait pour la sécurité financière. On parle de risque? Eh bien, là, nous [les comédiens] nous sommes dit: non. Si ce n'est pas pour le plaisir, on ne fait pas une saison de plus. Je ne voulais pas et je ne veux jamais faire de contrats pour l'argent. Je l'ai fait dans le passé, et ça me rend profondément malheureux.»

Coup de pub risqué

Dans ce deuxième spectacle «bien meilleur que le premier», l'humoriste raconte qu'il voyage pour se déstabiliser, qu'il suit des cours de moto même s'il en a une peur bleue et qu'il essaie régulièrement de nouveaux restaurants pour ne pas rester dans ses pantoufles.

«Je savais quelle serait ma ligne directrice avant même d'écrire une première blague. Je savais que je voulais parler du goût du risque, de ce feeling-là qui est aussi grisant qu'épeurant. C'est la différence avec le premier show: là, j'avais déjà une vision d'ensemble. Il est donc mieux tricoté, mieux écrit», dit l'animateur de Gang de malades.

En mars dernier, pour promouvoir ce spectacle sans dépenser d'argent en publicité, l'homme de 36 ans a proposé aux Québécois d'acheter des billets d'un «humoriste mystère pour 20 $». Son équipe souhaitait vendre 1000 billets; elle en a vendu 20 000.

«Deux hackers ont piraté notre site. Les producteurs appelaient dans les salles pour savoir qui c'était. Il y a même un journal qui a annoncé que c'était peut-être le retour d'Yvon Deschamps!»

Devant l'ampleur du phénomène, il a eu peur de décevoir les acheteurs lorsque son nom serait dévoilé.

«Ç'a été les pires 48 heures de ma vie!», dit le principal intéressé. Mais finalement, à son grand soulagement, seule une poignée de personnes a revendu les billets sur Kijiji, et très peu ont exprimé leur mécontentement.

«On m'a dit que c'était LE coup de marketing de l'année», avance Pierre Hébert. Il n'en doute pas une seconde: ce fut le plus grand risque de sa carrière.

__________________________________________________________________________

Pierre Hébert, du 7 au 9 février et les 15 et 16 mars au Théâtre St-Denis.