Dieudonné se dit En paix, mais n'a pu s'empêcher de comparer les Juifs à une plante envahissante et de pester contre « la dictature » qui l'accablerait, hier, lors de la retransmission vidéo d'un spectacle finalement assez peu politique.

Des centaines d'amateurs du provocateur - 740 selon l'organisation - s'étaient réunis dans une salle de réception de Saint-Léonard pour ovationner au son de « Dieudo ! Dieudo ! » l'apparition de son visage sur un grand écran. La vedette de la soirée était coincée en France.

« On a été obligés de s'adapter à la censure, à la dictature, mais on est là », s'est félicité Dieudonné M'Bala M'Bala dès les premières secondes du spectacle, présenté dans le complexe Le Rizz. Une salle remplie essentiellement de jeunes.

La semaine dernière, le polémiste a été empêché d'entrer sur le territoire canadien lors de son arrivée à l'aéroport Montréal-Trudeau. En Europe, il a été condamné à de multiples reprises pour des propos antisémites.

« Mon casier est rempli ras la gueule », a-t-il lui-même résumé. « Mes avocats m'ont dit qu'il allait falloir en ouvrir un deuxième. »

« C'est l'avantage de vivre dans une véritable dictature », a-t-il continué, déclenchant les applaudissements de la foule. Mais « je suis en paix maintenant, même [avec] ces histoires d'immigration », a-t-il ajouté, quelques minutes plus tard.

LES SUJETS SENSIBLES PEU ÉVOQUÉS

Par la suite, M. M'Bala M'Bala s'est attardé sur les animaux, les problèmes des retrouvailles d'ex-camarades de classe ou la tragédie aérienne de Germanwings.

Très peu de blagues sur le judaïsme ou la Shoah, des sujets sur lesquels Dieudonné est un habitué des débordements. Un sketch sur les végétaux a tout de même déclenché les applaudissements lorsque les Juifs sont entrés en scène. « Je ne veux pas faire de parallèles avec certains groupes humains, mais le lierre grimpant, vraiment... », a dit Dieudonné. « Tu l'invites sur ton balcon et un an après, il vit chez toi. Et toi, tu es en territoire occupé. »

Il a ensuite raillé des Arabes - comparés aux orties dont on ne peut se débarrasser - qui planifieraient un attentat dans un stationnement.

Juste après, le polémiste s'est aussi moqué du mouvement « Je suis Charlie » en imitant un robot qui répétait le slogan et a fait un petit segment sur ses doutes quant à la visite de l'homme sur la Lune. « Chacun devrait croire ce qu'il veut, a-t-il dit. Si ça te fait du bien le père Noël, la petite souris [qui échange les dents tombées contre de la monnaie], le 11-Septembre. »

« UNE VICTOIRE »

Avant le début du spectacle, le producteur Gino Ste-Marie se réjouissait de pouvoir présenter En paix après que de nombreux obstacles se furent posés sur sa route ces derniers jours. « Son corps n'a pas pu passer, mais son esprit est ici », a-t-il dit. « C'est une victoire. »

À l'issue de la représentation, la foule a entonné un chant qui promeut la quenelle - geste antisystème pour les uns, antisémite pour les autres - et a crié à nouveau le nom du polémiste.

« C'était excellent. Les troisièmes degrés étaient là, l'humour sarcastique », s'est réjoui Janico Tremblay. « J'ai tout vu ce qu'il a fait. Je l'ai déjà vu aussi la dernière fois qu'il est venu à Montréal. C'était excellent à l'époque et c'est encore excellent.  »

Dans ses spectacles précédents, M. M'Bala M'Bala s'est moqué notamment de l'Holocauste dans une chanson intitulée Shoah nanas et il s'en prend régulièrement à des personnalités françaises de confession juive. Il a aussi été condamné pour « apologie d'actes de terrorisme » après les attentats de Charlie Hebdo, en plus de frayer avec des négationnistes connus.

Le provocateur a été condamné, l'automne dernier, pour incitation à la haine raciale par la justice belge. Cette décision s'ajoute au lourd passif de l'humoriste, unanimement qualifié d'antisémite par la classe politique française. Il se considère plutôt comme antisioniste et « antisystème ».

Le jour même où il a atterri à Montréal, il a écopé de deux mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende pour des délits d'injure raciale et provocation à la haine.

Sa condamnation serait liée à des passages antisémites dans son avant-dernier spectacle. Il y évoque « le rôle qu'il attribue aux juifs dans la traite des Noirs et [ironise] sur le génocide commis par les nazis », selon Le Point.