Conjuguer le rire et l'opinion. Tel est le défi que s'est lancé l'humoriste Sylvain Larocque pour son quatrième spectacle solo, Dans le blanc des yeux, dont la première médiatique montréalaise aura lieu au Théâtre St-Denis le 4 février. Un défi couplé à un grand désir de se renouveler.

Le titre du nouveau spectacle de Sylvain Larocque est une référence à son souhait de parler un peu de lui, de ses opinions sur la vie. C'est aussi... un clin d'oeil à son regard qui louche, ce défaut de naissance qu'il considère un peu comme sa marque de commerce. Un trait physique qui lui a valu bien des quolibets, «des coups sur la gueule» et de l'ostracisme quand il était jeune et qu'on l'appelait «Crapaud». Il a décidé d'en faire un numéro sur l'intimidation.

«J'avais un oeil croche, plus croche encore que maintenant, je n'étais pas bon en sport et j'avais de bonnes notes, alors je me suis beaucoup fait écoeurer, dit-il en entrevue. L'humour m'a permis de m'en sortir.»

Son spectacle, «plus social et qui dérange un peu plus» que les trois précédents, débute par un numéro sur son physique, qui ne l'avantage pas beaucoup dans son quotidien. «Je ne peux pas dire ce que je veux avec le visage que j'ai. Par exemple, les blagues cyniques que je voudrais faire dans la vie de tous les jours ne passent pas, alors qu'avec Stéphane Rousseau, elles passeraient beaucoup mieux.»

Sylvain Larocque parle aussi des réflexes du corps humain dans son nouveau show. «Quand mon corps est un imbécile parce qu'il ne consulte pas mon cerveau!» Il y a aussi un numéro où il résume la vie d'un être humain en 24 heures, avec, par exemple, sa naissance à 8h et son mariage à midi.

«J'aborde ensuite le pouvoir de la pensée négative en affirmant que la seule façon d'être heureux, c'est d'être... pessimiste! Parce que les optimistes sont constamment déçus alors que les pessimistes n'ont que de belles surprises!»

Puis, l'humoriste, qui a fait des études en chimie et en marketing, évoquera comment les mathématiques, évidentes sur papier, ne fonctionnent jamais dans la vie. «Je pensais que 1 + 1 = 2, mais, un jour, j'ai rencontré une femme qui m'a dit que la vie à deux, c'est 1 + 1 = 1!»

Racisme ordinaire

Plus sérieux, Sylvain Larocque a choisi de parler du racisme ordinaire, celui activé par l'ignorance, sans toutefois faire référence à l'actualité. «J'ai hâte qu'on soit envahis par des extraterrestres, dit-il. Ce sera la seule façon d'éliminer le racisme, car, ce jour-là, on sera forcés de s'entendre, Israéliens et Palestiniens, pro-vie et pro-choix!»

Il présentera aussi un numéro sur le bilinguisme qu'il avait joué lors du dernier gala Juste pour rire de Mike Ward. «C'est un numéro qui propose un plan d'élimination systématique des anglophones de la province du Québec. Et ce n'est pas le numéro le plus tough du show!»

L'humoriste ajoute qu'il conclut son spectacle de 1h45 (avec entracte) par un texte sur l'avenir du Québec. Il y affirme que notre futur passera par le contrôle de nos ressources naturelles. «Si on gère notre bois, notre eau et notre électricité comme il le faut, on possèdera toutes les ressources que la Terre entière va nous envier dans les prochaines années. On pourra être le Moyen-Orient du futur si on agit intelligemment.»

Voilà un spectacle d'opinion auquel - on n'est pas surpris - Laurent Paquin a collaboré en tant que script-éditeur. «Mon intention n'est pas de changer le monde, mais d'attirer le regard sur certaines choses importantes pour moi et aussi, et surtout, de faire rire», dit Sylvain Larocque.

L'humoriste retrouve Stéphane E. Roy à la mise en scène, avec des décors vidéo signés Les studios Luz. «Il y a 20 écrans vidéo de grandeurs différentes sur scène, avec notamment de l'animation et de l'imagerie. Ça appuie bien le texte. Et c'est Dumas qui a créé la trame sonore du show, notamment les transitions entre les numéros.»

Le spectacle, rodé depuis l'été dernier, est une bravade pour Sylvain Larocque, car le précédent, Vu d'même, lui avait valu deux Olivier en 2010 (spectacle et auteur de l'année). «C'est la raison pour laquelle j'ai choisi de créer un spectacle complètement différent. Pour qu'on ne puisse pas le comparer au dernier. Je ne voulais pas rester dans ma zone de confort. Je n'aime pas beaucoup les artistes qui restent dans les mêmes patterns parce que ça marche. Je ne veux pas être Nickelback et faire la même chanson pendant 20 ans.»

Au Théâtre St-Denis les 3 et 4 février.

Sylvain Larocque en bref

• 48 ans en mars

• Célibataire depuis deux ans !

• Prix Gémeaux en 2000 pour son écriture dans Un gars, une fille

• Auteur de l'année aux Olivier en 2000, 2002, 2004, 2007 et 2010

• Coauteur de la pièce Mars et Vénus en 2005

• Va bientôt écrire une autre pièce de théâtre avec Stéphane E. Roy

• Vient de faire la script-édition du deuxième solo de Philippe Bond

• Participera pour la 19e fois à Juste pour rire en juillet