Nul n'est prophète en son pays, même Messmer. L'hypnotiseur a beau avoir vendu 150 000 billets au Québec de son spectacle Intemporel, il demeure associé au domaine du divertissement et même de l'ésotérisme. Pendant ce temps, en France, il collabore à un projet du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et obtient des cotes d'écoute monstres à la télévision. Émilie Côté l'a rencontré à Paris.

Le spectateur derrière nous a bondi sur scène comme un kangourou. Un homme a accouché d'une poupée représentant un bébé noir en pleurant, après s'être réveillé sur les fesses d'une dame qui faisait deux fois son âge.

«C'est ce qui donne de la crédibilité au show», dit Messmer.

Il faut avoir vu Messmer en chair et en os pour comprendre ses pouvoirs, ou plutôt la redoutable efficacité de ses techniques d'hypnose. Avant d'avoir assisté à l'un des 75 représentations de son spectacle Intemporel prévues au théâtre Bobino, à Paris, nous étions sceptiques... Et nous avons été totalement confondus.

Le jour de notre rencontre, Messmer a fait une journée de promotion chargée en Belgique. La veille, il avait rendez-vous au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) dans le cadre d'un projet de recherche.

Quand Messmer met un sujet en état d'hypnose, les mêmes zones de leurs deux cerveaux s'illumineraient, selon l'hypothèse des chercheurs. Même par simple suggestion verbale, ce qui laisse suggérer une forme de télépathie.

«J'avais 64 capteurs sur le cerveau. J'ai pu démontrer sur une machine électronique que moi-même, j'entre dans un état second quand j'hypnotise, raconte Messmer. J'ai hypnotisé l'un des plus grands chercheurs en cinq secondes [...], il m'a dit qu'il a attendu toute sa carrière pour prouver que la connectivité marche.»

Sans révéler leurs noms, quatre sommités entouraient Messmer dans un laboratoire du CNRS. «J'attends les résultats», indique leur sujet de recherche.

Bizarre? Davantage au Québec qu'en France, où on enseigne la sophrologie - étroitement liée à l'hypnose - dans certains lycées dans une perspective de gestion du stress. Cette science investit également le monde des affaires pour améliorer la concentration et le milieu sportif, pour mieux cibler le tonus musculaire des athlètes.

Il y a trois semaines, un décret ministériel du gouvernement français a même donné aux membres de la Chambre syndicale de la sophrologie la reconnaissance de leur métier comme profession libérale.

L'étude du CNRS donne une légitimité et une crédibilité à Messmer, qui a peaufiné ses techniques avec son grand-père. «Cela va m'aider à enlever le côté ésotérique qui me suit depuis des années. J'ai réussi à l'éliminer de plus en plus, mais il y a encore cette part d'incrédulité», note-t-il.

Faire connaître l'hypnose

Avant de devenir une star, l'homme qui cache son vrai nom exploitait surtout de façon thérapeutique ses vertus. C'est toujours son intention. «Après tous mes projets, je veux faire des séminaires pour que les gens puissent comprendre et apprendre les techniques d'hypnose avec un coffre d'outils. Par mes spectacles, je fais connaître cette science.»

Vu parfois à tort comme un «guérisseur» pouvant faire des miracles par des gens vulnérables, Messmer est hyper sollicité par le public. Il recommande les gens à l'Association des hypnologues du Québec. Quand des gens se présentent chez lui avec leur enfant cancéreux, «c'est troublant», dit-il. Or l'hypnose peut réduire les migraines, mais ne peut pas freiner un cancer.

Du divertissement scientifique

Le producteur et imprésario Éric Young constate que Messmer tend davantage vers le «populaire» que la crédibilité au Québec par rapport à la France. «Ici, la gauche médiatique, comme Le Monde et Télérama, s'intéresse à lui», indique-t-il. Messmer a participé à la populaire émission Les pouvoirs extraordinaires du corps humain, diffusée sur France 2 et animée par Michel Cymes.

Même le magazine branché Les Inrocks lui a consacré un long papier. «Une fois assis dans la salle de spectacle bondée, il ne faut pas plus de quelques minutes pour réaliser que sous le kitch du show et de son programme - hypnotiser les spectateurs - se cache une réalité insoupçonnée, pour le coup vraiment fascinante», a écrit le journaliste Jean-Marie Durand.

À Montréal, Messmer n'est pas en vedette d'une émission comme Découverte. À part la une de L'actualité, en 2012, «on ne nous approche pas pour faire une entrevue de fond», explique Éric Young.

Messmer a fait 17 apparitions dans les téléjournaux français, dont celui de David Pujadas, le 31 décembre dernier. Il était en duplex sur la scène de l'Olympia dans le topo précédant le message annonçant la nouvelle année du président François Hollande. Messmer venait de participer à l'émission de fin d'année - l'équivalent du Bye Bye -, animée par le célèbre animateur Arthur. Une première consécration.

En juillet dernier, son émission de TF1, aussi orchestrée par Arthur, Stars sous hypnose, a fait 5,2 millions de cotes d'écoute. En plein été, pendant le Mondial, c'est énorme. En comparaison, L'été indien avec Julie Snyder et Michel Drucker a intéressé 900 000 Français. Même l'émission spéciale Chabada pour le grand retour de Céline Dion a fait moins (4,7 millions). «Ce genre de succès là, je n'ai jamais vu cela», fait valoir Éric Young.

Cette année, Messmer donne 265 spectacles, dont 140 en France et d'autres au Québec, en Belgique et en Suisse. Lui et son producteur reviennent de Cannes, où ils sont allés vendre ses émissions de télévision au MIPCOM (Marché international des contenus audiovisuels), dont Les hyp-gags de Messmer (qui sera diffusé sur Z l'hiver prochain).

Les tournages télé avec des stars prennent du temps, puisque Messmer doit les tester au préalable. Il doit également gérer les demandes de sportifs ou de comédiens qui veulent améliorer leur concentration, que ce soit à des fins musculaires ou de mémorisation des mots.

Son secret pour récupérer avec un horaire aussi fou: l'autohypnose. «J'ouvre deux bancs, je me fais un lit et je dors 15 ou 20 minutes. C'est de la sophrologie dynamique.»

Si l'ostéopathie a réussi à se tailler une place au Québec, la sophrologie le peut aussi, croit Messmer. «Il y a une ouverture d'esprit dans le domaine de la santé, dit-il. C'est une science méconnue et j'aimerais l'enseigner.»

Le vrai Mesmer

Messmer doit son nom d'artiste à Franz-Anton Mesmer (1734-1815), le médecin autrichien considéré comme le «père fondateur» de l'hypnose et de la théorie du magnétisme animal («to mesmerize» en anglais), communément appelée «mesmérisme». L'homme a vécu à Paris. Protégé par Marie-Antoinette, il tenait un cabinet place Vendôme. En 1780, certains membres de la communauté médicale approuvent sa théorie et ses techniques controversées. Franz-Anton Mesmer convainc notamment Carles D'Eslon, médecin français du Siècle des lumières et régent de l'époque de la faculté de médecine de Paris.