L'humoriste français controversé Dieudonné contestera devant la justice administrative toute décision d'interdiction de son spectacle, a indiqué lundi son avocat Jacques Verdier.

«Mon client agira immédiatement contre cette décision qui est visiblement déjà prise», a dit à l'AFP l'avocat, après la publication d'une circulaire du ministre de l'Intérieur Manuel Valls appelant les préfets à interdire la tenue des spectacles jugés antisémites de Dieudonné, qui doit entamer une tournée à travers la France jeudi à Nantes.

Le gouvernement français a décidé lundi d'agir pour empêcher les spectacles de Dieudonné, humoriste controversé déjà condamné pour antisémitisme, mais l'opportunité d'une mesure d'interdiction divise les associations antiracistes.

À quelques jours du début d'une tournée en France de Dieudonné M'Bala M'Bala, 47 ans, qui commence jeudi par Nantes, le ministre de l'Intérieur Manuel Valls, avec l'accord du Premier ministre Jean-Marc Ayrault, a adressé lundi une circulaire aux préfets, rappelant qu'«ils peuvent interdire un spectacle pour risque de trouble à l'ordre public».

Cette instruction «permettra de prendre des dispositions pour empêcher la banalisation des propos antisémites», ont expliqué les services du chef du gouvernement.

Dans le passé, des municipalités qui avaient cherché à interdire les spectacles du comédien avaient été déboutés par la justice au nom de la liberté d'expression.

Mais selon des sources proches du dossier, les préfets peuvent s'appuyer sur les manifestations d'hostilité à Dieudonné pour invoquer un risque de trouble à l'ordre public.

Le comédien a déjà rôdé à Paris son spectacle Le mur, dans lequel il multiplie les charges contre «les juifs», «la juiverie» ou «kippa city».

À Nantes, environ 5000 billets ont été vendus.

Les célèbres chasseurs de nazis Serge et Beate Klarsfeld et leur fils l'avocat Arno Klarsfeld, au nom des Fils et filles des déportés juifs de France, ont appelé à manifester mercredi dans cette métropole de l'Ouest pour demander l'interdiction du one-man-show.

«Il est légitime et normal que quand quelqu'un tient des discours antisémites et dit que pas assez de juifs ont été gazés dans les chambres à gaz, des gens se lèvent pour manifester», a déclaré Arno Klarsfeld.

Le Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) a lui aussi appelé à «une mobilisation républicaine dans chacune des villes où aura lieu un spectacle de Dieudonné M'Bala M'Bala, pour dire non à la haine antisémite» et faire en sorte que «les pouvoirs publics fassent tout pour empêcher (ses) délires verbaux».

En revanche, la Ligue des droits de l'Homme (LDH) a estimé que tenter d'interdire ses spectacles pourrait s'avérer «contre-productif», avec le risque de «fédérer autour de Dieudonné une sympathie réactionnelle de ceux qui se considèrent (...) opprimés, socialement ou politiquement».

L'un des ressorts des spectacles de Dieudonné, né en France d'une mère française et d'un père camerounais, est de jouer sur une supposée concurrence des victimes, la souffrance des descendants d'esclaves ou d'habitants autochtones des territoires colonisés par la France n'étant selon lui pas reconnue alors que celle des juifs serait surévaluée.

Organisation d'insolvabilité

Par ailleurs, à la suite d'une plainte de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), une instruction a été ouverte et «des investigations sont en cours», notamment au parquet de Paris, «tant sur une éventuelle organisation frauduleuse d'insolvabilité que sur le patrimoine» de Dieudonné.

Dieudonné M'Bala M'Bala a en effet été plusieurs fois condamné pour propos antisémites ou injures raciales. Il s'est vu infliger un total de 65 290 euros d'amendes, dont plus de 37 000 en condamnations définitives, mais n'a pour l'instant pas payé un seul centime, selon des sources judiciaires.

Par ailleurs, une polémique fait rage, notamment sur les réseaux sociaux, à propos du geste de la «quenelle», signe de ralliement des fans de Dieudonné, qu'ils présentent comme «un bras d'honneur antisystème», mais que d'autres interprètent comme un salut nazi inversé.

Des personnes se sont déjà fait photographier faisant la quenelle devant des synagogues, un mémorial de la Shoah et l'école de Toulouse où le jihadiste français Mohamed Merah a assassiné un enseignant et trois enfants juifs en 2012.

À Nice, la Licra s'est encore émue lundi d'une photographie diffusée et amplement commentée sur Facebook montrant des joueurs d'un club de football faire le salut de la «quenelle» au cours d'une soirée privée.

Archives AP

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