Un nouveau spectacle, l'animation d'un 10e gala Juste pour rire et l'adoption d'une petite fille russe dans quelques semaines, Laurent Paquin est très occupé. Avec L'ereure est humaine (vous avez bien lu), c'est un Laurent Paquin nouveau genre qui montera sur scène, un Laurent Paquin qui ose, qui grince, intime comme jamais. Laurent Paquin à coeur ouvert.

Exit Laurent Paquin gros nounours à l'air naïf et discret sur sa vie. Avec son troisième solo, l'humoriste de 42 ans se dévoile, empruntant des sentiers sur lesquels il n'avait jamais osé s'aventurer. Prenez le titre de son nouveau spectacle: L'ereure est humaine (avec une faute d'orthographe pleinement endossée).

«J'étais content que l'équipe assume le titre, dit-il. On se demandait si on devait mettre un X sur l'ereure pour que les gens ne pensent pas qu'on ait fait l'erreur involontairement. Mais on a choisi d'être audacieux. Et pour l'affiche, avec le costume, la barbe longue et l'air ahuri, les gens me disent que j'ai l'air de m'être marié saoul à Vegas! On peut imaginer ce qu'on veut, mais j'aimais cette idée.»

Écrit en partenariat avec Sylvain Larocque, son nouveau spectacle se veut de la même eau, avec une insolence raffinée. «Je raconte des trucs qui me sont arrivés, je me permets d'être plus niaiseux, ce que je n'aurais pas fait avant. Aujourd'hui, je l'assume. Je n'ai plus rien à prouver. Si des gens pensent que je suis niaiseux après trois one-man-show, eh bien je ne pourrai jamais changer leur perception!»

C'est donc un nouveau Laurent Paquin, plus mature, que le public va découvrir. «Ma vision du monde a changé. Quand on a une famille, nos priorités sont différentes. Je me soucie plus de mon fils que de la société en général, et notamment qu'il soit heureux.»

Il y a donc des «réflexions niaiseuses» dans L'ereure est humaine, mais le spectacle offre aussi de l'émotion, prévient-il, sans que ce soit «les grosses larmes». «Même ça, je n'ai jamais été là, dit-il. Mais j'ai eu envie de raconter cette histoire...»

Il n'en dira pas plus pour garder le punch, puis ajoute: «Je ne suis pas devenu Jean-Marc Parent ou Mike Ward pour autant, mais je crois que ce show est plus drôle que les autres. Si on faisait le décompte du nombre de rires, je suis persuadé qu'il y en a plus et qu'ils sont plus soutenus que dans les shows précédents. Comme a dit Dany Turcotte, j'ai une couple de pitons collés dans mon show! Les gens rient tellement que tu dois t'arrêter.»

Il traite bien sûr de quelques sujets sérieux comme les dépendances, notamment la sienne, à la nourriture. «Je parle de l'être humain, dans ce qu'il a d'imparfait et de bizarre et je m'inclus là-dedans.»

Il dit parler aussi du «chialage» des Québécois, par exemple durant le printemps érable. «J'étais tanné d'entendre les gens chialer, souvent pour les mauvaises raisons et avec mauvaise foi. Du coup, je n'ai pas suivi la dernière campagne électorale. Une fois élu, le PQ a fait pareil: 'On a trouvé un trou dans le budget qu'on n'avait pas prévu'. On le sait qu'ils vont dire ça! Comme les libéraux il y a 10 ans. Du coup, je me suis fait un show dans lequel je m'amuse pas mal plus qu'avant!»

Il y aura bien sûr quelques nouvelles chansons qu'il jouera à la guitare, mais pas celles de son disque Laurent Paquin chante Paquin, car il sait que ses admirateurs attendent ses gags chantés inédits comme la marmotte le nouveau printemps.

Mis en scène par Guy Lévesque, ce spectacle a déjà fait vendre 50 000 billets, un signe que Laurent Paquin tient une place à part dans le coeur des Québécois. «J'aime ça la radio, mais je suis un humoriste de scène, d'abord et avant tout», confesse-t-il.

> Laurent Paquin, au Monument-National les 19, 20 et 21 mars, et au St-Denis les 25, 26 et 27 avril.

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Adopter... la patience

La famille de l'humoriste va s'agrandir sous peu: à 8660 kilomètres de Montréal, dans une ville de Sibérie, l'attend une petite fille: Lisa... À la demande de La Presse, Laurent Paquin a écrit un texte dans lequel il raconte son aventure.

«Krasnoï... quoi?»

«Krasnoïarsk».

«C'est où, ça?»

«En Russie. En Sibérie, pour être plus précis».

«Qu'est-ce que tu t'en vas faire là-bas?»

«J'adopte une petite fille»

«Hé boy! C'est pas à' porte!»

Non, c'est pas à' porte. C'est même plutôt loin. En fait, c'est plus près de la Chine que de Moscou. Si on m'avait dit qu'un jour j'irais en Sibérie, je ne l'aurais pas cru. La Sibérie avait toujours été pour moi synonyme de goulag, de froid, de désert...

Pour se taper trois avions, deux transferts, près de 24 heures de voyagement, pour aboutir fatigués dans une région froide, où pratiquement personne ne parle ni français ni anglais, avec zéro attrait touristique et ce, trois fois plutôt qu'une... ça prenait vraiment une bonne raison.

J'en avais une. Une maudite bonne, à part ça. Elle avait 9 mois au moment de notre première visite. Elle a fêté, sans nous, son premier anniversaire de naissance, il y a quelques semaines. Et quand nous reviendrons chez nous, avec elle dans nos bras, elle aura près de 15 mois.

Que c'est long. Pourquoi si long? La bureaucratie. La bureaucratie froide et sans émotion.

Ça nous a pris, à ma blonde et moi, près de trois mois pour réussir à rassembler tous les documents qu'on nous demandait. Les certificats, lettres, preuves, dossiers, copies conformes, permis, passeport, déclaration de revenus, avis de cotisation... Trois mois.

On nous demandait parfois des documents qui n'existaient même pas. Ou bien des trucs complètement absurdes, comme une lettre de la maîresse de Longueuil qui attestait que notre maison comptait bel et bien trois chambres à coucher (?!!).

Je me sentais comme celui qui cherche le laisser-passer A-38 dans la maison des fous d'Astérix.

Mais je ne regrette rien. Dans quelques jours, avec ma blonde, je me présenterai devant un juge de Krasnoïarsk. Et il n'aura d'autres choix que d'admettre que nous serons les meilleurs parents du monde.

Surtout ma blonde.

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Questions / Réponses avec Laurent Paquin

Q : Pourquoi avoir choisi d'adopter un enfant?

Avant même que ma femme tombe enceinte de mon fils, on avait entamé des démarches d'adoption. Quand on a voulu un deuxième enfant, ça s'annonçait encore compliqué. On s'est dit qu'on pourrait revenir à cette idée d'adopter.

Q : Pourquoi adopter en Russie?

On devait adopter au Vietnam, mais c'était  devenu interminable, car ils avaient fermé leurs portes pendant un an. Les lois avaient changé. Pour la Russie, on a bénéficié du fait qu'un couple qui devait adopter un enfant s'est séparé. On a donc été à la bonne place au bon moment. On est allés passer une semaine à Krasnoïarsk l'année passée. On y retourne à la fin du mois pour une semaine à 10 jours. Pour le troisième voyage, ce sera encore une semaine à 10 jours.

Q : Vous ne pouvez pas la ramener avec vous?

Non, on doit faire trois voyages pour pouvoir l'adopter. C'est une drôle de façon de faire. En Russie, on devra passer devant un juge le 2 avril et là, on saura si on va l'avoir. La décision prendra effet 30 jours plus tard, donc on devra revenir une troisième fois, au début mai, si la réponse est positive.

Q : Ce n'est pas un peu déstabilisant?

On passe par toute la gamme des émotions. On arrive, on nous met dans les bras un petit bébé qu'on ne connaît pas. C'est un peu bizarre sur le coup. Mais à la fin de la semaine, c'est notre fille. Alors, quand je suis revenu chez nous, je me disais: je suis chez nous, mais ma fille est en Russie, ça n'a aucun sens...

Q : Quel âge a-t-elle?

Lisa vient d'avoir 1 an. Les blessures  reliées à l'abandon, c'est profond dans l'inconscient d'un enfant. J'ai peur qu'en y allant et en repartant, on ajoute d'autres abandons dans son histoire. Mon fils Albert, qui a 7 ans, a hâte de la voir. Il fera partie du troisième voyage.

Q : Quel regard portez-vous sur l'adoption?

Pour nous, un enfant adopté, c'est un enfant  qu'on va aimer. Moi, dans ma tête, il n'y a pas de différence. Tout ce que je veux, c'est un autre enfant, qu'il vienne d'ailleurs ou du ventre de ma blonde.

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Son palmarès musical

Laurent Paquin a commencé en humour une guitare à la main. Ses «gags chantés», comme il les appelle, sont sa marque de commerce. Il a sorti l'été dernier son premier CD de chansons, Laurent Paquin chante Laurent Paquin. Amoureux de la chanson francophone, il a accepté de nous parler de ses 10 chansons préférées. La plupart évoquent des peines d'amour.

1. Les pauvres, de Plume Latraverse (1978)

«Ça correspond à ma définition d'une grande chanson, un tableau, une satire sociale et une ambiance musicale extraordinaire. C'est la plus grande chanson de Plume. J'ai des souvenirs de shows avec cette toune-là, notamment au Vieux Clocher de Magog, alors qu'il était déchaîné. Jean-Claude Marsan à la guitare était un feu. Je me souviendrai toujours de ce spectacle.»

2. Écoute pas ça, de Jean-Pierre Ferland (1995)

«Je suis un très grand fan de Jean-Pierre Ferland. J'aurais pu choisir plein d'autres chansons, mais Écoute pas ça, c'est une chanson de son meilleur album. Elle est tellement bien écrite. Elle parle de rupture avec les images de Jean-Pierre Ferland. Musicalement aussi, c'est une toune qui est poignante, qui illustre bien l'état d'une personne qui vient de se faire laisser.»

3. Ayoye, d'Offenbach (1978)

«Selon moi, c'est la plus grande toune d'Offenbach. C'est encore une histoire d'amour qui fait mal, mais avec le joual d'Offenbach et la voix mordante de Gerry Boulet. Et puis, le fait d'appeler une toune Ayoye, je trouve ça extraordinaire. Ce n'est pas une image compliquée pour exprimer la douleur. La première fois que je l'ai entendue, j'ai eu la chair de poule.»

4. Ces gens-là, de Jacques Brel (1966)

«C'est un tableau magnifiquement peint d'une famille, une chanson simple. Le personnage de Brel est touchant. Son amour impossible avec Frida, qui est belle comme un soleil et qui, un jour, me suivra. Pour un instant, je la crois, monsieur. On dirait qu'il sait que ça n'arrivera jamais. C'est extraordinaire. J'ai découvert Brel quand j'étais au secondaire.»

5. Le premier ciel, d'Harmonium (1976)

«Tout le monde devrait posséder l'album L'Heptade. C'est obligatoire dans une discothèque. Le premier ciel, c'est une chanson puissante, c'est la musique, la poésie de Fiori. C'est un album-concept. Il n'y en avait pas tant que ça à l'époque. Un grand album. Il serait sûrement dans le top de mes meilleurs albums.»

6. Le bus me réveille, de Mano Solo (2009)

«Mano Solo est un de mes auteurs-compositeurs-interprètes préférés. Personne ne chante aussi bien que lui la douleur d'un amour impossible, le mal de vivre mêlé avec beaucoup d'espoir. Il est mort en 2010 du sida. Beaucoup de chansons tournent autour de sa vie qui a été brève. À ne pas écouter un lundi matin quand il pleut! En ce moment, c'est lui que j'écoute le plus.»

7. Jenny, de Richard Desjardins (2003)

«C'est une petite chanson folk et acoustique. On devine que c'est un ouvrier qui chante son amour à sa femme, avec des mots simples, mais câline que c'est beau et touchant! Quand la chanson commence par 'tes p'tits mots doux oubliés au fond de ma boîte à lunch pour me donner de l'espoir, c'est mieux qu'la Bible'. Je trouve ça magnifique.»

8. Manu, de Renaud (1981)

«Renaud est un de mes chanteurs préférés. Manu est encore un chagrin d'amour, mais vécu à la deuxième personne. Renaud parle à son ami, un espèce de voyou au coeur d'artichaut, dit-il. Eh déconne pas Manu, va pas t'tailler les veines. C'est une superbe chanson, une de ses meilleures. Et sa musique est tout le temps simple, magnifique avec de belles mélodies.»

9. Comme ils disent, de Charles Aznavour (1972)

«J'aurais pu en prendre plein d'autres d'Aznavour, comme Mourir d'aimer ou Non, je n'ai rien oublié, mais Comme ils disent est une chanson bien écrite qui raconte l'histoire touchante d'un travesti qui fait des shows qui se finissent en nu intégral. Ça évoque la vie de bohème des artistes qui travaillent la nuit et retrouvent leur vie normale le matin.»

10. Les étoiles filantes, des Cowboys fringants (2004)

«Cette chanson me donne le frisson. C'est la meilleure des Cowboys jusqu'à maintenant. Elle a été élue chanson de l'année en 2005 à l'Adisq. J'étais tellement content et tellement d'accord. Elle parle de ma génération, celle qui a connu Passe-Partout. Ça me fait penser à mon enfance, à la neige, à jouer dehors. Je suis nostalgique de l'enfance.»