Lundi, au Lion d'or, Emmanuel Bilodeau fera la lecture de la première mouture du texte de son premier spectacle d'humour, Confiant et invulnérable. En entrevue à La Presse, il confie ses doutes quant à ce défi «vertigineux».

Avant de faire l'École nationale de théâtre, Emmanuel Bilodeau a été journaliste à La Presse, puis membre du Barreau après des études de droit. Touche-à-tout, ce natif de Hull qu'on a vu dans une quarantaine de films a décidé de découvrir les contrées de l'humour. Seul, sans agent.

Son Discours politique, présenté durant le gala Juste pour rire de Laurent Paquin en 2011, avec ses envolées sur l'identité québécoise exprimées avec passion, théâtralité et drôlerie, lui a valu d'être le lauréat du meilleur numéro d'humour du festival.

«C'était au-delà de mes espérances, dit-il. J'étais content de ne pas m'être pété la gueule, car c'est ce qu'on me prédisait! lance-t-il. Laurent Paquin m'a encouragé, sans trop le savoir, en me disant après le show: «Je te verrais bien faire un one-man-show.» En joke. Ça m'a fait plaisir et ça m'a donné confiance.»

Emmanuel Bilodeau a donc répété l'exploit l'année suivante avec son numéro sur Tonino Tomato, politicien «expert en crossage».

«L'humour, je me suis rendu compte que j'avais ça en moi depuis que je suis petit, que ce soit avec mes frères et soeurs, mes collègues de classe ou quand il y a des moments de tension. Comme ça riait [au gala Juste pour rire], je me suis dit: J'ai toujours eu ce fantasme, je connais la scène, personne ne va m'empêcher de le faire si j'en ai le goût.»

De plus, les producteurs ont commencé à lui faire des propositions. Mais c'est finalement à Julie Snyder, croisée aux Îles-de-la-Madeleine, qu'il a fait confiance pour produire son premier spectacle solo. Et pas à Juste pour rire.

«Que Juste pour rire s'intéresse à moi, ça m'a ému aux larmes, mais j'avais trop peur de ne pas être à la hauteur. Ils ont tellement de grands humoristes qui livrent la marchandise!»

Dans son spectacle, Emmanuel Bilodeau ne fera pas «de blagues pour faire des blagues». Il parlera d'environnement, de politique, d'identité et de culture québécoise, de fierté et de langue, des gens âgés «qu'on tablette et qui ont envie d'être utiles» et de sa jeunesse, celle du dernier d'une famille de 12 enfants, «même si, dit-il, «j'aime pas beaucoup parler de moi». Il improvisera et même chantera.

Il veut faire réfléchir «en toute vulnérabilité et sans confiance»: le contraire du titre de son spectacle!

«Les politiciens sont souvent obligés de répondre à une question, souligne le comédien de 48 ans. C'est stupide. C'est mieux de dire «je ne sais pas» que de dire n'importe quoi. Dans notre société, on dit souvent n'importe quoi et on fait semblant d'être en contrôle. Je ne peux pas faire semblant d'être en contrôle. Je ne ferai pas semblant d'être humoriste.»

Si Emmanuel Bilodeau n'est pas en confiance, il y travaille avec acharnement, peaufinant ses textes dans un combat ardu avec les mots. Le plus compliqué pour lui est de passer de sketchs de 10 minutes à un spectacle de 90 minutes. La lecture de sa première version, lundi soir, lui permettra de se familiariser avec son texte et la durée de sa performance.

Après le Lion d'or, il entamera, le 26 avril, à Sainte-Thérèse, la tournée de rodage du spectacle dans de petites salles de 100 personnes.

«Je suis obsédé par ça, jour et nuit, dit-il. Ma blonde n'en peut plus! C'est plus gros que je pensais en termes de trac et de stress. De travailler avec Brigitte Poupart [à la mise en scène] me rassure, mais c'est un défi vertigineux, un métier de fou attirant comme le vide.»

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La première montréalaise de son spectacle solo est prévue en mars 2014.